Le destin est un sacré fils de pute.
Alors que la gloire rayonne de façon aveuglante sur des tordus, des pourris
et des enclumes, elle ignore totalement
des types doués, sincères et d’une folle constance à travers les décennies. Crénom
d’une pipe, c’est vraiment rageant.
Songazine n’est pas un Deus Ex Machina, mais parler de ceux qui auraient
mérité plus de disques d’or et moins de risques durs est de notre devoir !
Prenez Bruce Joyner. Il est né en 1956, il a depuis 1980 sorti une douzaine de
LP’s et EP’s, des poignées de singles d’une musique intéressante : du vrai rock and roll, nerveux, intense,
sexy, plein d’écho et de reverb’, des tableaux parfaits de trois minutes à
peine. On pense aux Cramps pour le côté « hanté », à Wall of Voodoo
pour l’aspect cowboy glacé, à un Buddy Holly sous acide. Si les Dogs avaient eu
un passeport US, leur musique aurait ces génotypes là….
Ecoutez cette chanson qui en résume parfaitement cet esprit : « The Streets » et, tenez celle-là aussi est impeccable « She nevers says no ». Fort, non ?
Reprenons, avant de nous emballer ! Ce monsieur est un homme du Sud
des Etats-Unis, de Georgie plus exactement et il en a le sens musical : là
blancs et noirs ont forgé un drôle de rock and roll à facettes multicolores
et Joyner a pris l’option « marécages ». Ses groupes s’appelèrent The
Unknowns, The Plantations, the Reconstruction et le dernier en date : Atomic
Clock. Fidèle aux sons vintage et aux belles guitares (Mosrite par exemple). Puisqu’il
faut vous le préciser maintenant ce seigneur des salles enfumées est bancal, a
besoin d’une canne ou chante rivé sur une chaise roulante, a un œil de verre et
a failli perdre sa voix en mangeant du révélateur photographique (cristaux de
chlorite) à l’âge de 4 ans. Le loto de la déveine, 6 numéros plus le
complémentaire. La maladie l’a frappé rudement tout au long de sa vie et il est
toujours là, sortant même un album en 2014. Attention, talent inoxydable !
Pas d’apitoiement à deux balles, si on admire Bruce Joyner, c’est parce qu’il
survole le bayou avec élégance, fait un pied de nez à la déveine et mérite son
nom dans le Hall of Fame. Il a gagné ses lettres de noblesse avec trois
accords, il est monté en première division de l’humanité musicale.
Derrière
lui, grouille le show biz et la Mort ricane bêtement…le destin est décidément
un sacré fils de pute.
Jérôme « swamp » V.