Un CD en noir et blanc, sobre et au verso 9 titres avec des noms
...d’oiseaux du coucou au cormoran passant par le condor. Original, un peu
Oulipo, la lettre C comme indice ou
fil rouge et titre : forcément
l’envie d’aller plus loin est forte…
Découverte de cet album de Turzi
qui sort le 16 mars et qui vous est chroniqué en avant-première, découverte,
exploration, voire science-fiction.
Je me renseigne un peu sur ce groupe, je fouille Internet et comprends que
nous avons ici des êtres complexes, une réflexion multipiste, des projets
parallèles et des idées foisonnantes. Pour faire synthétique, ces gens là sont
beaucoup… synthétiseurs, résolument
instrumentaux et survolent avec élégance notre Terre. De très, très haut.
Tangerine Jarre ou Jean-Michel Dream ? Bien malin qui trancherait.
L’album précédent, B, donc si
vous suivez un peu… reprenait des noms de villes pour titres (de Beijing à
Bamako en passant par Baltimore). En écoute là !
Songazine est modeste, nous nous contenterons de vous parler de la musique
ici offerte et qui vaut le détour : C
ici et maintenant !
Nous sommes ici hors des sentiers battus, dans une forêt dense mais non
sinistre de sons riches et accrocheurs. La force de cette musique est de
convoquer des images mentales immédiates dans votre cerveau urbain saturé de
références culturelles. Par un mécanisme subtil, chacun y retrouvera un peu
d’enfance, des émois amoureux et certainement des réminiscences de culture liée
au septième art.
De façon évidente, délibérée et assez recherchée, ces compositions sont des
allusions à la bande-son de films à se remémorer ou à espérer. On y retrouve
des effluves de Morricone, des morceaux épars de nostalgie franco-italienne,
des lambeaux des 70’s, le tout filmé en pellicule argentique qui se déroule
avec beauté dans un cinéma plein de fauteuils de velours rouge.
Dès l’aube, l’envoûtant « Coucou » et sa voix céleste nous
transporte en orbite basse d’une planète amicale, et Kubrick nous sourit. « Cygne » atterrit dans un canyon
désolé, et deux lunes éclairent le paysage désertique baigné d’une lumière
violette. L’envolée de « Cormoran » va bien loin, si Gainsbourg était
parmi nous, je le verrai bien y poser quelques paroles définitives sur la vie,
la mort et les ruptures amoureuses.
Le « Condor » devient funky, urgent, présent, brûlant : un
Shaft blanc qui accélère dans les rues de Paris, en un matin comme celui où
Claude Lelouch filmait l’OVNI « c’était un rendez-vous ». En écoutant
« La Chouette » j’imagine Lino Ventura avec Benjamin Biolay comme adjoint, tous
deux descendant d’une voiture de police en imper mastic pour regarder le
cadavre d’un Bogart en tenue de chef de la mafia, raide allongé dans un bar à
whisky. « Cardinal » est plus radical et incantatoire, le
« Coq » final redécolle pour une ultime planète inconnue en un
vaisseau rapide, immaculé et métallique.
Cette chronique vire au n’importe quoi se dit soudain le lecteur qui est
encore avec moi dans le texte à ce niveau éthéré.
Merci, cher lecteur, votre sens de la raison est fort juste. Cependant, je
rétorque que l’ensemble de ces 9 morceaux est réellement évocateur et puissant.
Il faut les écouter plusieurs fois pour en saisir les méandres. Je l’ai fait et
cette expérience est agréable.
Hors de la banalité, étranger à la morosité, d’une belle richesse, propice
à déclencher la rêverie, « C » est donc une vitamine légale et
thérapeutique.
L’hiver est rude, le printemps sera frais, alors faites vous du bien avec
Turzi.
Jérôme «cormoran » V.