La nouvelle scène du rap canadien a investi,
samedi soir, l’ancienne gare de la Petite Ceinture transformée en salle de
concert. Dans l’après-midi, les Dead Obies sont venus s’échauffer la voix sur la petite scène, au chaud. Entre
deux répétitions, assis confortablement sur un sofa rouge, chaussé de ses sneakers
blanches en opposition à ses habits noirs, le plus bavard du groupe de
Montréal, Jean-François alias YesMccan se prête aux questions dans une ambiance
détendue.
Les Dead Kennedys du rap
Les Dead Obies sont
en France depuis début décembre. Ils ont participé aux Transmusicales de
Rennes. Il revient sur cette tournée : « Nous arrivons à nous surpasser à chaque concert, nous jouons à plein
régime et c’est loin d’être fini. » Leur défi avant de venir en France
était de conquérir ce nouveau public. Le jeune rappeur affirme l’avoir réussi : « Nous avons trouvé notre public, c’est
positif pour nous, même si c’était devant un petit parterre, ça change du Québec,
où nous jouons dans des salles plus grandes. »
L’équipe se
compose de cinq chanteurs (Snail Kid, YesMccan, 20some, RCA, O.G. Bear) et
d’un DJ et producteur : VNCE. Ils se forment au printemps 2011. «Nous nous sommes rencontrés lors de
compétitions rap, les WordUP ! et Artbeat. » Ces deux concours de
rap sont les seuls francophones du Canada. A partir de cette date tout s’enchaîne
pour le groupe. En avril 2012 sort leur premier mixtape Collation Vol.1. « Grâce
à cette première compilation, nous avons pu être découverts par le label Bonsound
et réaliser notre premier album Montréal $ud en novembre 2013, puis un deuxième
mixtape en juin dernier, Collation Vol.2. »
YesMccan raconte
l’origine du nom du groupe : « C’était
durant la période de l’élection présidentielle américaine de 2012, à une soirée
nous écoutions les Dead Kennedys, en blaguant nous avons trouvé le nom Dead
Obama et c’est resté. Puis de concerts en concerts, les personnes employaient
le diminutif Dead Obies, on l’a vite adopté. »Ils sont aussi les
samouraïs des temps modernes, le mot « Dead » signifie pour eux le Bushido où « vivre en étant conscient de la mort et ce qui t’oblige à exister
sans peur, un thème de notre album, »commente-t-il. Autre sujet, leur jeunesse de banlieue, où tout a commencé pour
eux. Il brosse le paysage : « Nous
avons vécu dans la rive sud séparé de l’île de Montréal. Ce sont des zones
pavillonnaires de la classe moyenne que tu vois dans les séries américaines.
Paisible et calme, mais qui cache une jeunesse qui s’ennuie et qui fuit cette
banlieue en quête d’un sens dans leur vie. C’est ce qui dégage de notre album
cette ambiance de désillusion. »
Les montréalais
sont qualifiés par la presse, de groupe « post-rap ». Il
explique sa vision du genre : « Le
post-rap n’est pas pour nous une rupture. Au contraire c’est un point de départ
pour nous affranchir des autres genres. Mykki Blanko, Danny Brown ont eux aussi
cette idée d’ouverture. Nous voulons recréer un nouveau style qui rassemble nos
influences musicales, allant du rap, en passant par la musique électronique au
rock. »
Les
héritiers du Wu-Tang-Clan
Les Dead Obies se
veulent les descendants du mythique Wu-Tang-Clan, au point de mettre quelques
petites références dans leurs chansons. « Nous sommes très proches des Wu-Tang-Clan, non pas qu’ils sont tout un
groupe de MCs, mais aussi pour le style de musique, dans Trafic, nous employons
Shimmy, Shimmy ya ! le titre de la chanson de Ol’ Dirty Bastard, membre du
Wu-Tang. » Ils puisent dans d’autres sources, le classique New-Yorkais
des années 90, avec Mos-Def et Jay-Z, voire dans la base du rap avec The Grand
Master Flash utilisé en nappe sonore dans le morceau Montréal $ud.
Les paroles de
leurs chansons sont un mélange de français et d’anglais et ils sont devenus des
maîtres dans l’art. Ce procédé n’est pas une tasse de thé pour tout le monde.
Les rappeurs francophones ont sortit un livre compagnon d’écoute, en réponse
aux critiques. « Nous décrivons
chaque phrase, de chaque chanson avec en plus des anecdotes sur la construction
de l’album, étant donné que la date de parution était le premier anniversaire
de notre disque. »
Ces « ouvriers de la musique », comme ils
aiment se qualifier, projettent d’écrire un nouvel album courant 2015. « Nous n’avons pas encore de date fixe pour le
prochain, nous voulons prendre notre temps, profiter de nos vacances de Noël et
ne pas se mettre la pression. »
Après l’interview,
dans la rue, une rencontre se produit avec Snail Kid. Un peu déboussolé dans la
capitale, cherchant un tabac, il me raconte son expérience en
France : « Ici ça change
du Québec, il fait moins froid et je ne sais jamais quand il faut traverser
dans vos rues, vous les franchissez quand vous voulez. » Il retrace
leur visite de la capitale : « Nous avons eu le temps de parcourir Paris, mais pour ma part j’ai
changé d’itinéraire, je suis allé visiter le 93, voir vos cités en vrai. Celles
que j’ai entendues dans les albums de NTM. J’ai eu l’impression d’être dans
leurs chansons.»
Après cette mini-traversée de Paris, les Dead Obies
ont rejoint la scène en première partie d’un autre groupe québécois The
Posterz. L’heure, pour nous spectateurs, de partir en voyage de 3 heures sur
les terres du rap canadien.
Thomas
Monot
De gauche à droite, en haut : YesMccan, Snail Kid, 20some. en bas : VNCE, RCA, O.G.Bear. |