Never Come Back, c’était Kas
Product et tu les as écoutés bien trop fort et tu les as pris au mot. Tu as
jeté les bonnes manières et ton loden, tes mocassins ou ton tablier, ton
atelier et tous les papiers. Jamais tu ne feras demi-tour, jamais tu ne
repartiras dans la zone tiède et molle. La Télé, les pantoufles : jamais.
Parce
que la Mona Soyoc était si belle, avec son regard noir et son joli blouson de
cuir qui devait être épais. Ses yeux de féline qui ne cillaient pas, son maintien
était celui d’une princesse et ses mots en anglais forcément parfaits. Une
vestale en noir et blanc, une guerrière qui pouvait chanter ce qu’elle voulait
et nous, on avait tous dit : « Ouiii, maîtresse ! ».
Parce
que le Spatsz, musicien mutique et raide avait une mèche tellement improbable
et des synthés qui claquaient si sec que c’en était métallique, prodigieux, à
l’égal de ceux qui venaient de Manchester ou de Cologne. Eux c’était Nancy,
alors on a aimé Nancy. Never come back, tu l’as passé en boucle, avec Take Me
Tonight et Pussy X compilés avec rage sur la même cassette, la BASF verte dont
tu avais perdu la boîte transparente mais que tu gardais dans la poche de ton Perfecto
plein de pin’s, la fourrant partout où tu passais : dans les auto-radios et
les retrouvailles du soir chez le Pascal ou le Jo. Il fallait qu’on te la passe
ta cassette, sinon tu en faisais une tête, ou, alors tu commençais à pogoter
méchant-méchant, après avoir vidé des pintes.
Never Come back, tu n’as jamais
repris ton apprentissage, tu as arrêté la fac, tu as fait péter ton contrat et
sa durée déterminée. Avec la copine ça a cassé, avec le fiancé ça s’est
rompu-rompu, crac et puis alors tant pis.
Tu es parti en vrille, en looping desserré,
pour toujours bloqué dans ces quelques mesures acides, pleines de fils et de
jacks, analogiques mais déjà assez digitales pour toute cette époque à pics. Never
Come Back, t’es tout quinqua maintenant, des plis autour du front et des lèvres
un peu pâles. Plus de mèche et plus de pin’s. Plus d’impôts et moins de saxos.
Mais jamais tu n’es revenu.
La
Mona, elle est toujours aussi belle et Le Spatsz, il a des poches sous les
yeux, et tout ça c’est pas grave. On a essayé, on a fait quelque chose, c’était
en noir et blanc, c’était beau et la cassette elle a bien tourné, quand même.