La chanson française en français requiert au moins l’excellence sous peine
de crash piteux dans la boue des bonnes intentions sans charisme. On peut chanter « I love you, yeah, yeah, yeah » en anglais et c’est assez
chouette, mais déclamer « je t’aime,
wé, wé, wé » mérite soit
a :la folie bleue façon Philippe Katerine, soit b :la fureur rouge
façon Bérurier Noir. Entre les deux, soyons francs, vous passez pour une bille.
La barre est très haute pour parvenir à tenir le pavé, rester en vie, respirer
sans s’étouffer et une escouade réduite de parrains crédibles donnent le « la »
du bon goût made in France. Pour moi, les tontons flinguants s’appellent
Gainsbourg, Bashung, Lavilliers, Christophe, Higelin, Rodolphe burger, Miossec,
Gérard Manset (j’en oublie 3 ou 4 assurément, mais guère plus).
Au
compte-gouttes seulement nous arrivent des albums dont l’hexagonal music lover peut être fier. Lennon
s’était moqué de notre rock, mais personne n’osera rire de Mélodie Nelson,
Fantaisie Militaire, Boire, O Gringo, Stock Phrases ou Champagne pour tout le
Monde…
Le cas de Nicolas Comment me semble passionnant et l’écoute de son nouvel
album Rose Planète vous donnera du baume au cœur. Le hasard, me direz-vous, n’a
pas sa place dans un destin d’artiste et ce n’est pas une erreur des Muses que de
lui avoir fait croiser le chemin de ceux, magiques, du chanteur de Kat Onoma,
de l’auteur des Mots Bleus ou du mystérieux et troublé Animal (on est mal). Ici :
une voix grave et posée, impeccable. Chœurs féminins pimentés et séducteurs.
Musique raffinée, cordes, cuivres, velours, arpèges et nappes. Et pour les
paroles, divine surprise : voici un ménestrel qui joue en première
division de la composition dans la langue de Baudelaire.
Images fortes,
évocations mêlant couleurs et sons. Allusions sensuelles, sexuelles et
érotiques sans jamais frôler la vulgarité. Poésie subtile, rimes choisies et
fines, allusions et allitérations : Nicolas C. manie notre langue avec
grand art. Chapeau bas.
Les 12 séquences de l’album nous racontent une histoire
complexe d’amour avec Sexie, du début à la fin, et de bien belles muses sont
évoquées : B.B. quand elle était divine, Dita Von T., et d’autres fées ou
égéries voire avaleuses de sabre (dixit) de lui intimement connues. Attention,
ce disque n’est pas fait pour les oreilles chastes de mineurs non avertis. Chaque
chanson mérite plusieurs écoutes, une profonde inspiration avant d’en goûter
les aspirations poétiques.
Nicolas C., je vous porte grande estime et vous
souhaite une carrière digne de Serge, Alain, Jacques, Bernard, Rodolphe et les
autres.
Jérôme « Tangerine » V.
Nicolas Comment (crédit photo Gilles Berquet) |
Nicolas C. et sa muse, Milo McMullen (crédit photo Gilles Berquet) |