jeudi 21 août 2014

Bruce Joyner, le soldat inconnu

Le destin est un sacré fils de pute.

Alors que la gloire rayonne de façon aveuglante sur des tordus, des pourris et des enclumes,  elle ignore totalement des types doués, sincères et d’une folle constance à travers les décennies. Crénom d’une pipe, c’est vraiment rageant.
Songazine n’est pas un Deus Ex Machina, mais parler de ceux qui auraient mérité plus de disques d’or et moins de risques durs est de notre devoir ! Prenez Bruce Joyner. Il est né en 1956, il a depuis 1980 sorti une douzaine de LP’s et EP’s, des poignées de singles d’une musique intéressante : du vrai rock and roll, nerveux, intense, sexy, plein d’écho et de reverb’, des tableaux parfaits de trois minutes à peine. On pense aux Cramps pour le côté « hanté », à Wall of Voodoo pour l’aspect cowboy glacé, à un Buddy Holly sous acide. Si les Dogs avaient eu un passeport US, leur musique aurait ces génotypes là….
Ecoutez cette chanson qui en résume parfaitement cet esprit : « The Streets » et, tenez celle-là aussi est impeccable « She nevers says no ». Fort, non ?
Reprenons, avant de nous emballer ! Ce monsieur est un homme du Sud des Etats-Unis, de Georgie plus exactement et il en a le sens musical : là blancs et noirs ont forgé un drôle de rock and roll à facettes multicolores  et Joyner a pris l’option « marécages ». Ses groupes s’appelèrent The Unknowns, The Plantations, the Reconstruction et le dernier en date : Atomic Clock. Fidèle aux sons vintage et aux belles guitares (Mosrite par exemple). Puisqu’il faut vous le préciser maintenant ce seigneur des salles enfumées est bancal, a besoin d’une canne ou chante rivé sur une chaise roulante, a un œil de verre et a failli perdre sa voix en mangeant du révélateur photographique (cristaux de chlorite) à l’âge de 4 ans. Le loto de la déveine, 6 numéros plus le complémentaire. La maladie l’a frappé rudement tout au long de sa vie et il est toujours là, sortant même un album en 2014. Attention, talent inoxydable !  


Pas d’apitoiement à deux balles, si on admire Bruce Joyner, c’est parce qu’il survole le bayou avec élégance, fait un pied de nez à la déveine et mérite son nom dans le Hall of Fame. Il a gagné ses lettres de noblesse avec trois accords, il est monté en première division de l’humanité musicale. 
Derrière lui, grouille le show biz et la Mort ricane bêtement…le destin est décidément un sacré fils de pute.


Jérôme « swamp » V.