mercredi 19 novembre 2014

Le Bon, la Brute et le Tonitruant (live report Motörhead, Zénith Paris, le 18 novembre 2014)

Soudain tout lui parut limpide.
Clair et tranchant comme un accord de guitare à plein volume qui vous réveille en sursaut un lendemain de duel au shot de tequila-rapido avec une bande de copains bikers, et vous vrille le crâne avec la certitude d’une balle de .38 qui s’élance de la gueule bleutée d’un Colt. Bang.
C’était de la tendresse. De la tendresse, bordel ! Les 6000 personnes présentes au Zénith de Paris, ce soir-là avaient tous de la tendresse pour ce bon vieux Lemmy. Toujours stoïque et impassible, notre dinosaure buriné se tenait debout et bien droit, tel une statue du Commandeur des Bruyants, grattant sa basse en cadence mais ne bougeant pas plus qu’un chêne sur lequel pisserait un chaton. Il était planté là, son micro très haut comme d’habitude, enchaînant les titres sans bouger de plus de la largeur d’un médiator.
Le déluge sonique forgé par son guitariste, son monstrueux batteur et lui-même coulait telle une langue de lave en fusion dans ses oreilles secouées.
Mais pour ce Lemmy fixe, quasiment momifié par temps, les décibels et le Jack Daniel’s, avec son rond de serviette déjà réservé chez la Grande Faucheuse, son amie… nul n’avait d’autre pensée qu’une putain de tendresse. De toute façon, que recherchaient-ils ces métalleux, ces chevelus, ces fans, ces spectateurs de tous âges au Zénith ? Du bruit et de la fureur en apparence, mais au fond, personne n’était dupe. Chacun venait ici pour voir un monument, le saluer respectueusement peut être une dernière fois et prendre une bonne grosse claque dans les tympans… mais surtout pour être ensemble, témoigner de son goût immodéré pour l’amitié, la fidélité, les copains d’abord, la bière fraîche , la viande rouge et les grosses rigolades. Les T-shirts noirs et les têtes morts au fond n’étaient qu’un putain de prétexte pour faire suer les bigotes et les coincés.
Il regardait l’énorme batteur de ce Motörhead cuvée 2014, le suédois Mikkey Dee s’agiter tel un muppet de 120 kilos sous acide, dont les cheveux blonds brillaient sous les spotlights, au centre de ses fûts à réaction. Il observait les guitares pointues comme des lances de Phil Campbell dont les solis cascadaient très haut dans la virtuosité et les notes aigues.
Tout s’affaça dans un maelström de bruit, fort comme une vague de tempête d’hiver, et il oublia soudain le RER gris et les factures à payer, les impôts en folie, les drones et les bombes, la censure médiatique et le politiquement correct.
Comme Lemmy l’avait dit pour commencer chacun de ses concerts et donner le ton : we are Motörhead and we play rock and roll.
Tout lui parut enfin limpide, dans la folie des décibels et le hurlement des amplis. C’était bien de la tendresse pour le vieux lion qui suintait de tous les pores, de tous les poings levés et ça, c’était beau.  


Jérôme  « Overkill » V.
PS : Setlist ? cliquer ici