mardi 14 avril 2015

Plus un bruit...

Le jour où ton cerveau associe, sans crier gare, Manu Chao et les rues de Londres, tu te dis que ça va très mal. Et tu as raison.
Il y a fort longtemps, M. Chao chantait « Ronde de nuit », un morceau rageur qui fustigeait la mairie de Paris (à l'époque tenue par Chirac) et sa politique musicophobe. À en croire Manu, doublement contrarié par sa croissance capricieuse et par le désert culturel de la ville-lumière, on s'ennuyait à cent sous de l'heure dès que sonnaient les vêpres au clocher de Notre-Dame.
Il ne sera pas dit que Londres se laisse damer le pion par des mangeurs de grenouilles et des auditeurs de Goldman. Un nouveau règlement : 
invite, avec la convivialité d'un clerc de notaire victorien, les musiciens de rue à faire le moins de bruit possible. La guitare électrique, les percussions et même la cornemuse (c'est peut-être politique, une vengeance post-référendaire, éventuellement ? ) sont priées d'aller voir là-bas si j'y suis car elles émettent des sons qui peuvent agacer le badaud, paraît-il. Voire l'irriter. Les débutants iront débuter ailleurs et il est demandé aux répertoires indigents de ne pas encombrer l'espace. Et à propos d'espace, vous êtes bien gentils, les saltimbanques mais faudrait voir à pas prendre trop de place sur les trottoirs. Et puis la City, c'est sérieux, c'est quand même la finance, des gens hautement responsables qui s'échinent à nous construire un monde meilleur, alors c'est simple, là-bas, tu joues pas. Faut pas les distraire, ils bossent. Eux.
Je vous encourage vivement à découvrir ce monument d'humour anglais qui, en somme, enjoint aux musiciens de jouer en silence, avec cette exquise politesse glacée qui te fait comprendre pourquoi le thé est considéré là-bas comme un élément de survie. D'après les musiciens en question, les autorités de la ville de Londres leur préféreraient les mimes. C'est bien, les mimes. C'est calme.


Henriette de Saint-Fiel