mardi 28 juillet 2015

Live Report : Patti Smith, une nuit, à Fourvière

Elegy est le dernier morceau de Horses, nous explique-t-elle. Elle ajoute, complice: j’ai dit de l’album, nous laissant deviner que le concert ne s’arrêtera pas là. Je l’ai écrite il y a plus de quarante ans, à la mémoire de Jimi Hendrix. Cette petite chanson est pour ceux que nous avons aimés et perdus au fil des années, c’est pour eux que nous la chantons, ce soir.
Après avoir ressuscité Jim Morrison sous forme d’un ange emprisonné dans la pierre, c’est au tour de tous les autres fantômes de la musique, les siens et les nôtres, de faire leur entrée dans le théâtre par sa voix, sous la lumière devenue bleue et les yeux du public qui retient son souffle.

Puis elle s’arrête de chanter et égrène un nom pour chaque étoile du ciel de Fourvière ; une liste entrecoupée d’applaudissements :

Joey Ramone
Dee Dee Ramone
Johnny Ramone
Joe Strummer
Sid Vicious
...
Fred Sonic Smith
Robert Mapplethorpe
John Nash
Lou Reed.

C’est un bel hommage, dans lequel les spectateurs l’accompagnent. C’est même tout le concert, qui est un très bel hommage au rock’n roll et à la liberté qui lui est si chère. Accompagnée de Lenny Kayle et Jay Dee Dogherty qui l’ont enregistré avec elle, elle rejoue l’intégralité de Horses, face A puis face B, oscillant entre solennité et énergie pure.

A 68 ans, Patricia Smith donne sa propre définition du terme « performeuse » qu’on lui a collé il y a bien longtemps : elle chausse ses lunettes pour déclamer ses poèmes, mais arrache une à une les cordes de sa guitare en hurlant « people have the power ». Droite dans ses bottes en cuir, veste d’homme sur les épaules, elle impose une présence écrasante mais bienveillante, souriant comme la gamine qu’elle était sur la couverture de Just Kids, quand elle avait posé ses valises et ses cahiers dans le hall du Chelsea Hotel.
Rock, poésie, pudeur, retenue et déchaînement ; elle a tout de même le chic de se mettre de côté pour laisser ses musiciens s’amuser sur un petit medley du Velvet Underground, avant de se lancer avec eux dans une reprise sauvage de My Generation, des Who.

Il y a Gloria, et Because the Night, bien sur, mais il y a aussi ses textes qu’elle interprète et scande avec passion, et que je suis heureuse de pouvoir enfin comprendre. Sans rien avoir perdu de son timbre, Mamy Smith est une magicienne aux allures de sorcières, qui fait joyeusement la nique aux muses coincées d’un antique théâtre romain.

Juliette Démas




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