C’est l’histoire d’un type tout seul dans une pièce toute noire, qui
réfléchit en mode neutre et s’efforce de ne pas ressentir d’émotions. D’ailleurs
la température n’est ni chaude, ni froide. Il écoute un morceau d’Heather Celeste : Austere. C’est
le nom du morceau. Austere. Pas d’émotions, juste une profonde relaxation dans
la pièce vide et obscure.
Méditation.
Il aime écouter en solitaire Heather
Celeste, qui lui donne ici à entendre via des haut-parleurs habilement intégrés
aux murs, un morceau de 17 minutes et 07 secondes, ce qui n’est pas trop long,
mais pas trop court non plus. Voix désincarnée, rythme lancinant, nappes de
synthétiseurs simples, pas d’excès soniques. C’est une artiste électronique qui
ne vous agresse pas et vous permet de penser. Dans le noir. Tranquille. Sobre.
Nécessaire.
Ce type, dans sa salle sans lumière, commence à penser qu’il est dans le
noir, tout seul. Cela ne le dérange pas. Nous finirons tous dans le noir, seuls.
Il songe qu’il aimerait s’offrir soit la collection complète des
disques du label Anywave, soit
une nouvelle pièce noire et nue. Mais pour le moment, il ne peut pas.
La porte
est fermée, son valet a eu ordre de ne pas l’ouvrir avant la fin du morceau. 17 minutes et 07 secondes. Il est assis
tout seul dans cette pièce obscure, à 20 degrés, et il écoute calmement le
morceau d’Heather Celeste. Austere, se souvenant que la pochette disait : Evawyna - EVA01 (Austere is the first
release of Evawyna, the digital subdivision of Anywave) . Cela suffit.
Faire
poser une fenêtre dans cette pièce serait une bonne idée, se dit-il soudain. En
effet, je pourrais fermer les rideaux et quand même rester dans le noir quand j’en
aurais envie. Ou pas. Mais là, il ne peut absolument pas parler à son valet,
puisqu’il est enfermé et que personne ne doit ouvrir. 17 minutes et 07 secondes, c’est neutre comme durée se dit notre
homme, assis sans rien voir autour de lui (mais il n’y a rien à voir).
C’est décidé,
je ferai percer une fenêtre dans cette pièce, et mon valet contactera un
artisan qui devra rester muet. Quand on nous voit, en général songe-t-il, on
appelle la police ou les journaux à sensations, mais il y a des gens qui peuvent
rester discrets. On paiera pour ça, une fois encore. Les 17 minutes et 07 secondes sont passées, le valet entrouvre la porte.
Notre type lui fait quelques gestes explicites pour que l’on referme cette
porte et qu’on lui repasse le morceau d’Heather Celeste encore une fois et un
peu plus fort.
Pour le reste, on verra demain.
Jérôme « anyword » V.