Plus on chronique au sujet de la musique, plus on se pose des questions.
Pourquoi tout cela ? Quelle
rage pousse ces gens à créer ? Qu’est-ce que la beauté ? Mais à qui
ce chorus me fait donc penser ? D’où venons- nous et où allons-nous ?
Qui peut abattre cette truffe qui chante mal ? Où est le décapsuleur ?
Le rock critic –frénétique- hectique-zygomatique- apolitique finit par
tourner un peu paranoïaque, assez bipolaire, complètement schizophrène et plein
de TOCS.
Exemples : appuyer nerveusement sur next dès qu’un morceau commence, écouter les disques dans l’ordre
inverse de la numérotation, lire les pochettes dans le moindre détail, imprimer
les communiqués de presse en recto simple.
Pour se calmer, décompresser et retrouver une activité cérébrale apaisée,
il faut de temps à autre que le rock critic puisse écouter avec sérénité-longévité
un disque fort. Un enchaînement de titres puissants, d’accords et de notes
pertinents qui mettent en pause ses angoisses, sa nervosité et ses doutes
permanents sur la justification provisoire de la poursuite du chemin chaotique
de l’espèce humaine dans l’océan noir et infini du Cosmos.
En écoutant l’intégralité de l’album
éponyme de Fléau, ce fut chose faite, durant cette poignée de minutes hors
des contraintes quotidiennes et viles que dure l’opus. Sept plages purement
instrumentales antalgiques et douces, brumeuses et cotonneuses ou encore
délicates comme des porcelaines synthétiques- sympathiques-Gymnastique.
Un souvenir fugace vint alors frapper les pensées de votre serviteur :
l’écoute initiale et fondatrice, il y a fort longtemps de Ricochet, part I and
II, de Tangerine Dream, un soir sous la couette, avec un gros casque branché
sur un non moins gros radio-cassette posé au pied du lit et chargé de piles
quasi-neuves. Et une pincée de september-remember-december- de la joie pure de
découvrir The Man Machine, pour s’endormir
béat-léger au son répété- adoré- signalé- connecté du thème final de Neon Lights,
car ici le morceau Blanc Profond en
porte quelques réminiscences fugaces. Fléau nous tisse une Aube fondatrice ou une Glass
Cathedral bâtie sur des polyphonies profondes, parfaite B.O. d’images-éclairs
constellées de grands vaisseaux aux réacteurs éteints et de planètes en deuil. Rien
à voir avec Tangerine Dream et Kraftwerk, se cabreront soudain les puristes-maristes-
tristes- à gros fists, si ce n’est l’utilisation par Fléau (aka Mathieu Mégemont) de multiples Crumar,
Moog et Roland aux puces complices et oxydées par les années, ainsi que de son
imagination fertile et de ses neurones agiles.
Et on se posera alors encore plus de questions, mais bien peu plus tard, en
observant la pochette troublante du disque, où périt une araignée velue sous le
dard d’un autre insecte menaçant-hydroptère-pervers-sévère.
Jérôme « EHX
Holy Grail » V.