vendredi 4 septembre 2015

Helena Hauff, album Discreet Desires : une fiction

Dans le dernier bunker, dans le dernier carré, dans mon troisième sous-sol, j’ai emporté quelques albums.
Enfin, juste une poignée, sauvegardée par chance sur un petit disque dur 30 téra-octets épargné de la débâcle.
Entre deux alertes bactériosses, un bombar-drone en rafales et une nuée de gaz toxico-neurange actif. J’ai échappé au pire, dans mon scaphandre NBC+. Pour aujourd’hui…
En fuite, on ne choisit pas grand-chose, on attrape et puis on se met à courir. 
Vous croyez que c’est facile de prendre des objets à sauver dans la fumée, l’obscurité et avec tous vos compteurs G qui sont dans le rouge, les alarmes qui gueulent et trois androïdes-trancheurs à dégommer au laser de l’autre main ?
Sans compter tous les trucs qu’il aura fallu laisser à l’entrée de l’abri, ici au Bunker Panzerkreuz XK22, Sud-Sud Est de Berlin, parce que trop contaminés. L’autre jour, croyez-moi, il a fallu cramer sur place un type qui ne voulait plus lâcher son chat-lièvre. Pourtant les yeux violets et le reflet ocre sur les dents, ça ne trompe pas ; dans le doute, les Militär Poliç ont flingué les deux. Moi j’ai passé mon matos en douce, parce qu’officier sup’ et je suis réglo côté tours de garde comme distribution de Meth pure à 60% aux soldats avant les charges à l’aube. Repos camarade, demain sera une autre nuit.
Là, j’écoute Helena Hauff, l’album Discreet Desires, qui date d’une petite vingtaine d’années.
Elle faisait de la musique dite « électronique » à une époque où les machines ne s’étaient pas encore liguées contre nous, un temps paisible où personne ne craignait les I.A.
Déjà 3 ans que cette terrible guerre humains vs. machines fait rage. Ils nous ont taillés en pièces et la résistance est difficile, morcelée, incertaine. Le pire est qu’ils savent s’adapter et ont commencé à produire de nouvelles versions de leurs troupes d’attaque…  
Le conflit est devenu universel, sans pitié et je n’en vois pas l’issue tant qu’il reste une seule tronçonneuse à circuits intelligents encore en état de nous couper en pièces. Ça va être dur.
D’ailleurs, quelle ironie, j’adore cette musicienne utilisait des accessoires musicaux synthétiques simples et expressifs. Sa musique est totalement instrumentale et pourtant très expressive. En tout cas, elle me semble bien douce et reposante en comparaison du vacarme effroyable et permanent qui règne en surface.
Les IA ont bien compris une chose : l’ouïe est un sens que l’humain ne peut mettre sur pause et ils nous attaquent toujours en commençant par balancer un son délirant à 400 ou 500 décibels minimum. J’ai vu hier matin une brigade entière de nos troupes d’appoint détruite à distance, sans pouvoir tirer un seul coup de feu, par simple défaut d’équipement de protection adéquat. Bien sûr, juste après c’est lâchage de virus, bactéries, nuage de gaz et enfin seulement ils envoient leurs robots tueurs.    
Revenons à Helena Hauff. Je crois bien qu’elle avait eu une vision juste, une intuition même en manipulant ses boîtes à rythmes et des séquenceurs sans pouvoir destructeur.
Elle disait :

«   J’ai le sentiment que c’est un tête-à-tête, vous faites quelque-chose et la machine réagit. La machine dispose de son propre esprit, et donc elle donne quelque-chose en retour » …
Elle avait raison, mais depuis quelques temps, c’est horrible, la machine n’a plus envie de donner mais plutôt de prendre.
Berlin Sud-Sud Est, le 04 septembre 2035.


Jérôme « Krieg Engel » V.

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Helena Hauff, album Discreet Desires, sortie le 04 /09/2015