jeudi 20 mars 2014

Baron Samedi : avec Lavilliers, c’est tous les jours dimanche

Il faut le dire et il faut l’écrire.  
Le tout dernier album de Bernard Lavilliers est excellent. Non seulement les musiques sont belles, raffinées et variées, mais les paroles sont bien écrites et intelligentes. Et cela, c’est vraiment important, fondamental, phénoménal et enthousiasmant. Pourquoi ? Je vais vous l’expliquer !
Atterré, je pleure de rage et d’impuissance quand j’entends que la chanson « numéro un » des ventes dans le pays de Molière comporte les paroles suivantes : « Je suis les griffes de la nuit, je m'en vais quand tu roupilles, J'enfile mes meilleurs habits, j'ai un problème comme Micky J't'ai changée, c'est bien plus qu'un petit coup d'pouce CENDRILLON. Bibidi, Babidi, Boo T'es foutue si j'te laisse dans cette situation. Plus de cadeau, t'es l'ombre de mon ombre, Pussycat Dolls. Cindy sois pas fâchée, pour t'oublier j'ai dû t'imaginer en train d'chier ! » (sic)
Il s’agit d’un duo entre un rappeur et une chanteuse et je vais me retenir en n’employant aucun adjectif qui me vient à l’esprit en les apercevant. Tel un Malraux face à l’océan de la barbarie, je resterai digne, l’œil humide mais braqué sur l’horizon éternel de l’Art, accroché à la rambarde du Panthéon. Je peux aussi être mort de rire et me gausser de ces personnages de glaise créés de toutes pièces par un Marketing opportuniste qui cherche à faire monter une courbe des ventes en péril en ciblant avec  férocité une population jeune et assez peu familière avec l’orthographe, les études secondaires et toute perspective d’emploi stable.

Revenons à Lavilliers. Ce  disque, Baron Samedi comporte 10 chansons. Avec Bernard, comme à l’accoutumée, on s’envole et plane de New York vers Haïti, l’on se pose à la Villa de Noailles, et on découpe des traders à Londres avec un Jack l’Eventreur 2.0. Sa voix est notre amie, ses rimes sont riches et il a su s’entourer de musiciens virtuoses. En bonus, notre stéphanois boxeur voyageur lit un texte étrange, superbe et flamboyant de Blaise Cendrars (non, petit, ce n’est pas un membre de Séksion Dasso, prends donc ton I-phone et tape son nom sur Google) qui dure 22 minutes et nous emmène d’un bout à l’autre de la ligne du Transsibérien. Rare, puissant, atypique.

Lavilliers, un vieil ami qui nous veut du bien, devrait être remboursé par la Sécurité Sociale et être bombardé Grand Commandeur du Gang des Arts et Lettres. Et que le Baron Samedi emporte à tous les diables les rappeurs vils et les chanteuses sans âme…   

Jérôme V.