Imaginez, vous êtes
auteur/compositeur/interprète et menez votre barque depuis un bon bout de
temps. Tranquillement installé à la terrasse d'un bar, buvant un petit jus, des
gens viennent puis d'autres vous dire que ce que vous faîtes musicalement est
extra. Le problème, c'est que ces personnes vous prennent pour un autre
chanteur, plus particulièrement pour celui du collectif français Fauve ≠,
groupe qui est véritablement né, avec son EP Blizzard, l'année passée.
L'« imposteur » se nomme Nicolas
Julliard, journaliste suisse de métier, et portait comme nom de scène, depuis
maintenant 10 ans, celui de Fauve (tout court !). Oui, il le portait, car
c'est avec le cœur endeuillé qu'il a dû s'en défaire. Trop de pression, trop d'incompréhensions
médiatico-mélodiques et déjà, trop de mauvais souvenirs pour le solitaire,
comme le petit exemple, mais non des
moindres pour un artiste qui arpente depuis des années la scène, cité en début
de chronique.
Entre les personnes pensant acheter Fauve ≠ sur
les plates-formes de téléchargement et qui se retrouvent avec Fauve – ou
l'inverse – sur leur disque dur, la peur justifiée de Nicolas se voyant déjà en
première partie du second groupe (bah oui, deux Fauve en un concert, c'est trop
cool quoi !) et la déferlante du collectif dans le milieu musical, l'homme
s'est senti souillé, en perte d'identité, avec une œuvre qui ne lui appartient
plus totalement. Face à l'immense succès de Fauve ≠, les milliers de disques
vendus par le déchu ne sont pas assez pour se faire respecter. Et oui,
l'industrie des clés de sol est féroce et ne laisse aucune place aux plus
« faibles ».
Nicolas Julliard avait pourtant, il y a déjà
quelques années, tenté de contacter Fauve ≠ afin qu'ils changent de nom, ce par
solidarité artistique ; en vain. Ces derniers tenaient dur comme fer à ce
pseudo et en aucun cas, n'ont voulu le modifier. D'un côté, ça peut se
comprendre, mais ça laisse un bel artiste rempli d'amertume sur le trottoir.
En effet, l'ex-Fauve a un sacré talent, mêlé à
un univers qui lui est propre, de la pop au lyrisme anglophone, soignée,
mélodique, poétique, posée, aux antipodes de l'impulsivité et de la prose jetée
avec fougue des autres. Ceci n'est en rien une critique négative des seconds,
j'aime la musique des deux ; c'est juste ≠.
La voix suave de Nicolas Julliard et
l'atmosphère créée, après écoute de ses deux albums studio, un éponyme sorti en
2006 et Clock 'n' Clouds en 2011, m'ont fait penser à du Damon Albarn.
C'est mélancolique, toujours calé sur un même rythme, calme, mais jamais
ennuyant, bien au contraire. Les sonorités sont profondes, travaillées et
chaque composition s'avère dissemblable des autres. Du cuivre, de la guitare,
de la batterie, du violon, un brin d'électro, tout y est, et ça fait planer.
Cette belle découverte et par la suite notre
« rencontre » au fil de discussions sur les réseaux sociaux m'ont
fait voir en Nicolas Julliard un être sensible et accessible ; l'occasion
rêvée de lui poser quelques questions.
INTERVIEW :
A froid, où en es-tu par rapport à ton
histoire avec Fauve ≠ ? Et avec du recul, est-ce que cela t'a apporté quelque
chose de positif ? Qu'en as-tu compris, conclu ?
Pour moi aujourd'hui, la page est tournée,
même si je ne pourrai jamais pardonner leur attitude déplorable, jusqu'au bout
(jamais eu un mot d'excuses pour le tort qu'ils m'ont causé, par exemple). Le
point positif est arrivé au moment où j'ai pris la décision de ne plus utiliser
ce nom. Jusque là, j'étais comme paralysé, je n'arrivais plus à avancer.
Désormais, je prends ça comme une chance de réinventer ma musique, de présenter
quelque chose de neuf, de plus original encore. Ce que j'en retiens, c'est que
notre société, jusque dans ses expressions culturelles, est une triste jungle
soumise à la loi du plus bruyant, et qu'il faut se protéger plus qu'on
l'imagine quand on choisit un nom d'artiste.
As-tu trouvé un nouveau nom de scène ou
comptes-tu garder Nicolas Julliard, tes véritables prénom et nom ?
L'autre leçon de tout ça est qu'il n'est
peut-être pas bon de mettre tous ses œufs dans le même panier. Je vais sortir
des choses sous un autre nom, et peut-être d'autres musiques sous mon vrai nom,
en fonction des projets, plutôt que de m'accrocher à une seule identité
musicale.
Es-tu sur un projet actuellement ?
Oui, je prépare un nouvel album, et je
travaille également sur deux projets avec des cinéastes, des musiques de films
qui devraient également se développer dans les mois à venir.
Merci
beaucoup pour cette petite interview et bonne route à toi Nicolas.
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Pour
écouter une partie de son œuvre : https://soundcloud.com/fauvemusic
Marc
Chiny