jeudi 22 mai 2014

Avant Fauve ≠, il y avait Fauve (article ET interview)

Imaginez, vous êtes auteur/compositeur/interprète et menez votre barque depuis un bon bout de temps. Tranquillement installé à la terrasse d'un bar, buvant un petit jus, des gens viennent puis d'autres vous dire que ce que vous faîtes musicalement est extra. Le problème, c'est que ces personnes vous prennent pour un autre chanteur, plus particulièrement pour celui du collectif français Fauve ≠, groupe qui est véritablement né, avec son EP Blizzard, l'année passée.

L'« imposteur » se nomme Nicolas Julliard, journaliste suisse de métier, et portait comme nom de scène, depuis maintenant 10 ans, celui de Fauve (tout court !). Oui, il le portait, car c'est avec le cœur endeuillé qu'il a dû s'en défaire. Trop de pression, trop d'incompréhensions médiatico-mélodiques et déjà, trop de mauvais souvenirs pour le solitaire, comme le petit exemple, mais  non des moindres pour un artiste qui arpente depuis des années la scène, cité en début de chronique.

Entre les personnes pensant acheter Fauve ≠ sur les plates-formes de téléchargement et qui se retrouvent avec Fauve – ou l'inverse – sur leur disque dur, la peur justifiée de Nicolas se voyant déjà en première partie du second groupe (bah oui, deux Fauve en un concert, c'est trop cool quoi !) et la déferlante du collectif dans le milieu musical, l'homme s'est senti souillé, en perte d'identité, avec une œuvre qui ne lui appartient plus totalement. Face à l'immense succès de Fauve ≠, les milliers de disques vendus par le déchu ne sont pas assez pour se faire respecter. Et oui, l'industrie des clés de sol est féroce et ne laisse aucune place aux plus « faibles ».

Nicolas Julliard avait pourtant, il y a déjà quelques années, tenté de contacter Fauve ≠ afin qu'ils changent de nom, ce par solidarité artistique ; en vain. Ces derniers tenaient dur comme fer à ce pseudo et en aucun cas, n'ont voulu le modifier. D'un côté, ça peut se comprendre, mais ça laisse un bel artiste rempli d'amertume sur le trottoir.

En effet, l'ex-Fauve a un sacré talent, mêlé à un univers qui lui est propre, de la pop au lyrisme anglophone, soignée, mélodique, poétique, posée, aux antipodes de l'impulsivité et de la prose jetée avec fougue des autres. Ceci n'est en rien une critique négative des seconds, j'aime la musique des deux ; c'est juste ≠.

La voix suave de Nicolas Julliard et l'atmosphère créée, après écoute de ses deux albums studio, un éponyme sorti en 2006 et Clock 'n' Clouds en 2011, m'ont fait penser à du Damon Albarn. C'est mélancolique, toujours calé sur un même rythme, calme, mais jamais ennuyant, bien au contraire. Les sonorités sont profondes, travaillées et chaque composition s'avère dissemblable des autres. Du cuivre, de la guitare, de la batterie, du violon, un brin d'électro, tout y est, et ça fait planer.

Cette belle découverte et par la suite notre « rencontre » au fil de discussions sur les réseaux sociaux m'ont fait voir en Nicolas Julliard un être sensible et accessible ; l'occasion rêvée de lui poser quelques questions.
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INTERVIEW :

A froid, où en es-tu par rapport à ton histoire avec Fauve ≠ ? Et avec du recul, est-ce que cela t'a apporté quelque chose de positif ? Qu'en as-tu compris, conclu ?

Pour moi aujourd'hui, la page est tournée, même si je ne pourrai jamais pardonner leur attitude déplorable, jusqu'au bout (jamais eu un mot d'excuses pour le tort qu'ils m'ont causé, par exemple). Le point positif est arrivé au moment où j'ai pris la décision de ne plus utiliser ce nom. Jusque là, j'étais comme paralysé, je n'arrivais plus à avancer. Désormais, je prends ça comme une chance de réinventer ma musique, de présenter quelque chose de neuf, de plus original encore. Ce que j'en retiens, c'est que notre société, jusque dans ses expressions culturelles, est une triste jungle soumise à la loi du plus bruyant, et qu'il faut se protéger plus qu'on l'imagine quand on choisit un nom d'artiste.

As-tu trouvé un nouveau nom de scène ou comptes-tu garder Nicolas Julliard, tes véritables prénom et nom ?

L'autre leçon de tout ça est qu'il n'est peut-être pas bon de mettre tous ses œufs dans le même panier. Je vais sortir des choses sous un autre nom, et peut-être d'autres musiques sous mon vrai nom, en fonction des projets, plutôt que de m'accrocher à une seule identité musicale.
  
Es-tu sur un projet actuellement ?

Oui, je prépare un nouvel album, et je travaille également sur deux projets avec des cinéastes, des musiques de films qui devraient également se développer dans les mois à venir.
  
Merci beaucoup pour cette petite interview et bonne route à toi Nicolas.
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Pour écouter une partie de son œuvre : https://soundcloud.com/fauvemusic



Marc Chiny