…Et personne ne tombe à l’eau !
Quelle douleur et fatigue de n’entendre
parler des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord qu’au travers d’horreurs
et de nouvelles déformées, d’actions terribles et de sang versé, d’images
floutées prises par des drones et de la folie meurtrière d’un petit nombre de
psychopathes vraiment très bien armés. Songazine va vous mettre sous le nez
(qui saigne) un exemple où la musique sert de pont entre les cultures, adoucit
les mœurs comme à l’accoutumée et vous envoie de bonnes et belles vibrations. Connaissez-vous
les extraordinaires albums appelés INTERZONE ?
Ce sont les fruits de la collaboration de l’ex-guitariste de Noir Désir,
Serge Teyssot-Gay et de Khaled Al Jaramani, un
talentueux joueur d'oud syrien, qui
chante aussi d’une voix prenante et produit des incantations lancinantes. Ces
disques vous offrent un mélange inédit, explosif, salvateur et puissant. Damas
surgit dans Paris, votre siège est téléporté au Mont Liban puis se retrouve à
Manchester, votre esprit vole de Tyr aux rives de la Gironde en une milliseconde.
Ombre et lumière, luxe et volupté, coup de fouet puis caresse, les sonorités
exposées créent un cocktail détonant mais fort enivrant. La guitare électrique
monte et descend, se tord, use de la saturation ou de sons déchirés. L’oud, si
beau, crépite et virevolte à côté, s’y entremêle avec force. Dans la Fender des
abeilles furieuses et sifflantes, dans l’oud des traces de bleu céleste et de
soleils de juin. Cette musique est puissante, hypnotique, elle vous emmène fort
loin. Tout ce que vous avez aimé au Nord de Tanger ou adoré au Sud de Chypre se
retrouve curieusement compatible, comestible et digeste. Le temps d’une rêverie
musicale, vous arpenterez un quartier animé dans une casbah, une oasis isolée,
une usine désaffectée, la cave d’une église, une cérémonie de baptême pleine de
yous yous, un enterrement grave et solennel, un café maure à l’ombre dans un
port si blanc où l’arak serait servi avec les petites olives noires que l’on
aime à croquer en parlant du passé oublié, du présent difficile et du futur
improbable. Le temps de ces trois disques, vous pourriez croire que les hommes
sont tous d’accord, se battent seulement pour partager leurs cultures et
montrer à l’étranger les beautés de leurs traditions. Ces deux musiciens y sont
parvenus, nous vous incitons à les suivre sur ce chemin étroit, entre les mines
et les missiles, entre les attentats et les préjugés.
Interzone, un no man’s land qui me ferait presque
croire en une essence divine sans plomb, ni cartouche, ni carabine.
J. "choukran" V.