Un
concert de Patti Smith aux Nuits de Fourvière, en juin 2013.
Des
affiches de Robert Mapplethorpe version XXL qui regardent passer les usagers du
métro parisien.
Et
un livre que l’on me prête au détour d’une conversation : Just Kids.
Tous
les éléments étaient là, il ne manquait que le bon moment, le déclic … qui
s’est produit en pleine descente post-khâgne. Après deux ans à se faire gaver
de bouquins de toutes sortes, impossible de persévérer au-delà de dix pages,
même pour des ouvrages aux titres aussi alléchants que Punk rock and the Politics
of race. Indigestion, burn out, appelez ça comme vous voulez, ça reste
terriblement frustrant !
C’est
alors que j’ai (re)découvert Just Kids, petit livre de poche qui
trainait depuis déjà des mois sur ma table de nuit au cas où j’aurais du temps
entre Kant et Platon (mais surtout parce que j’aimais bien la couverture).
Depuis je n’ai qu’un mot à dire : merci Patti, de m’avoir réconciliée avec
la littérature.
Je m’en allais, les
poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
[Rimbaud, Cahiers
de Douai, Ma Bohême]
Eh
oui, qui d’autre que Rimbaud pour introduire correctement Patti Smith ? Rimbaldienne,
Baudelairienne, Verlainienne (même si ça sonne moins bien), Mlle Patricia Smith
est d’abord une poète. Née, comme un certain Robert qu’elle ne connaît pas
encore, un lundi, elle nous dépeint les impressions fugitives qui lui restent
de son enfance, sa soif d’idéal et son envie de partir. Partir, oui mais
où ? A New York évidemment, sans argent ni travail, mais de l’optimisme
plein la valise. Le hasard s’en mêle, et lui fait rencontrer Robert
Mapplethorpe, jeune troubadour aux cheveux bouclés, son adolescent aux mains de
Michel Ange, comme elle le dit souvent.
Amis,
amants, muse et artiste tour à tour dans une folle ronde qui durera jusqu’à la
mort de Robert, ils s’installent ensemble et c’est là que commence leur épopée
de création et de galères. Un lien unique les relie, que ne remettra pas en
question l’homosexualité du dessinateur, qui se découvre peu à peu un don pour
la photographie. Patti Smith lui rend hommage, du début à la fin, et apporte un
peu de lumière sur la personnalité d’un artiste dont certaines œuvres assez
crues (notamment celles du Portfolio X), ont déchainé et déchainent encore des
torrents de critiques homophobes.
Just
Kids,
un ouvrage qui n’est ni plus ni moins que l’écriture poétique du feuilletage
d’un album photo, ses photos à lui, d’elle, et à elle, de lui : il y en a
plein, on en voudrait plus. Ce n’est pas la Patti Smith connue et rock star,
qui se raconte, mais l’adolescente qui cherche sa voie, main dans la main avec
son « étoile bleue ».
Une
myriade de noms et d’artistes sont égrenés dans ces pages, ce que les éternels
râleurs qualifieront du savant terme de name-dropping, mais que je
préfère voire comme autant de portes ouvertes vers d’autres univers :
celui de la Factory, celui des collectionneurs, celui des poètes… C’est un peu
comme si on entrait dans le grenier de notre rockeuse préférée, et qu’elle nous
montrait un à un ses châles, ses clichés et tout les bibelots de pacotille qui
ont rythmé sa jeunesse ; un véritable tourbillon désorganisé, dans lequel
on ne comprend pas tout, mais où l’on se sent chez soi.
« Nous
jouions à des jeux identiques, décrétions l’objet le plus obscur un trésor, et
déconcertions souvent nos amis et nos relations par notre dévotion
indéfinissable l’un envers l’autre. »
320
pages qui nous invitent à découvrir ou à porter un regard neuf sur un
photographe talentueux et déchiré, et qui donnent envie de réécouter Patti
Smith, cette jeune fille qui rêvait d’être poétesse, et qui a fini chanteuse.
Mais aussi 320 pages à errer sur les traces des poètes maudits et de Jim
Morrisson… Mamie Smith nous ouvre des perspectives de lecture. Encore une
fois : Merci !
Juliette
D.