mercredi 10 décembre 2014

La Flèche d'Or à l'heure du rap canadien (interview Dead Obies)

La  nouvelle scène du rap canadien a investi, samedi soir, l’ancienne gare de la Petite Ceinture transformée en salle de concert. Dans l’après-midi, les Dead Obies sont venus s’échauffer la voix sur la petite scène, au chaud. Entre deux répétitions, assis confortablement sur un sofa rouge, chaussé de ses sneakers blanches en opposition à ses habits noirs, le plus bavard du groupe de Montréal, Jean-François alias YesMccan se prête aux questions dans une ambiance détendue.

Les Dead Kennedys du rap

Les Dead Obies sont en France depuis début décembre. Ils ont participé aux Transmusicales de Rennes. Il revient sur cette tournée : « Nous arrivons à nous surpasser à chaque concert, nous jouons à plein régime et c’est loin d’être fini. » Leur défi avant de venir en France était de conquérir ce nouveau public. Le jeune rappeur affirme l’avoir réussi : « Nous avons trouvé notre public, c’est positif pour nous, même si c’était devant un petit parterre, ça change du Québec, où nous jouons dans des salles plus grandes. »
L’équipe se compose de cinq chanteurs (Snail Kid, YesMccan, 20some, RCA, O.G. Bear) et d’un DJ et producteur : VNCE. Ils se forment au printemps 2011. «Nous nous sommes rencontrés lors de compétitions rap, les WordUP ! et Artbeat. » Ces deux concours de rap sont les seuls francophones du Canada. A partir de cette date tout s’enchaîne pour le groupe. En avril 2012 sort leur premier mixtape Collation Vol.1. « Grâce à cette première compilation, nous avons pu être découverts par le label Bonsound et réaliser notre premier album Montréal $ud en novembre 2013, puis un deuxième mixtape en juin dernier, Collation Vol.2. »
YesMccan raconte l’origine du nom du groupe : « C’était durant la période de l’élection présidentielle américaine de 2012, à une soirée nous écoutions les Dead Kennedys, en blaguant nous avons trouvé le nom Dead Obama et c’est resté. Puis de concerts en concerts, les personnes employaient le diminutif Dead Obies, on l’a vite adopté. »Ils sont aussi les samouraïs des temps modernes, le mot « Dead » signifie pour eux le Bushido« vivre en étant conscient de la mort et ce qui t’oblige à exister sans peur, un thème de notre album, »commente-t-il. Autre sujet, leur jeunesse de banlieue, où tout a commencé pour eux. Il brosse le paysage : « Nous avons vécu dans la rive sud séparé de l’île de Montréal. Ce sont des zones pavillonnaires de la classe moyenne que tu vois dans les séries américaines. Paisible et calme, mais qui cache une jeunesse qui s’ennuie et qui fuit cette banlieue en quête d’un sens dans leur vie. C’est ce qui dégage de notre album cette ambiance de désillusion. »
Les montréalais sont qualifiés par la presse, de groupe « post-rap ». Il explique sa vision du genre : « Le post-rap n’est pas pour nous une rupture. Au contraire c’est un point de départ pour nous affranchir des autres genres. Mykki Blanko, Danny Brown ont eux aussi cette idée d’ouverture. Nous voulons recréer un nouveau style qui rassemble nos influences musicales, allant du rap, en passant par la musique électronique au rock. »

Les héritiers du Wu-Tang-Clan

Les Dead Obies se veulent les descendants du mythique Wu-Tang-Clan, au point de mettre quelques petites références dans leurs chansons. « Nous sommes très proches des Wu-Tang-Clan, non pas qu’ils sont tout un groupe de MCs, mais aussi pour le style de musique, dans Trafic, nous employons Shimmy, Shimmy ya ! le titre de la chanson de Ol’ Dirty Bastard, membre du Wu-Tang. » Ils puisent dans d’autres sources, le classique New-Yorkais des années 90, avec Mos-Def et Jay-Z, voire dans la base du rap avec The Grand Master Flash utilisé en nappe sonore dans le morceau Montréal $ud.
Les paroles de leurs chansons sont un mélange de français et d’anglais et ils sont devenus des maîtres dans l’art. Ce procédé n’est pas une tasse de thé pour tout le monde. Les rappeurs francophones ont sortit un livre compagnon d’écoute, en réponse aux critiques. « Nous décrivons chaque phrase, de chaque chanson avec en plus des anecdotes sur la construction de l’album, étant donné que la date de parution était le premier anniversaire de notre disque. »
Ces « ouvriers de la musique », comme ils aiment se qualifier, projettent d’écrire un nouvel album courant 2015. « Nous n’avons pas encore de date fixe pour le prochain, nous voulons prendre notre temps, profiter de nos vacances de Noël et ne pas se mettre la pression. »
Après l’interview, dans la rue, une rencontre se produit avec Snail Kid. Un peu déboussolé dans la capitale, cherchant un tabac, il me raconte son expérience en France : « Ici ça change du Québec, il fait moins froid et je ne sais jamais quand il faut traverser dans vos rues, vous les franchissez quand vous voulez. » Il retrace leur visite de la capitale : « Nous avons eu le temps de parcourir Paris, mais pour ma part j’ai changé d’itinéraire, je suis allé visiter le 93, voir vos cités en vrai. Celles que j’ai entendues dans les albums de NTM. J’ai eu l’impression d’être dans leurs chansons.»
Après cette mini-traversée de Paris, les Dead Obies ont rejoint la scène en première partie d’un autre groupe québécois The Posterz. L’heure, pour nous spectateurs, de partir en voyage de 3 heures sur les terres du rap canadien.



Thomas Monot





De gauche à droite, en haut : YesMccan, Snail Kid, 20some. en bas : VNCE, RCA, O.G.Bear.