samedi 14 février 2015

Live report : Miossec , La Clef Saint-Germain en Laye 2/2

Un coup de jeune, un coup de vieux. Un très beau concert vu par Thomas Monot, 25 ans, padawan rock, et Jérôme Vaillant, 53 ans, yoda roll .

Partie 2/2 Les quatre Baudelaire des temps modernes

Miossec, Bashung, Higelin, Gainsbourg, vous avez peut-être remarqué mais ces quatre chanteurs au talent hors normes  ont le même démon en eux : l’alcool. Ils se sont mariés avec lui pour le meilleur et pour le pire, et divorcé pour certains. Alain Bashung et Serge Gainsbourg, ont créé en 1983, Figure Imposée autour de téquila rapido et de vodka-pastis. L’album sera leur unique collaboration entre ces deux grands de la musique. Jacques Higelin, lui, j’ai un souvenir particulier, c’était en 2006 durant le festival les Méditerranéennes d’Argelès, je l’avais vu complètement alcoolisé sur scène et cela m’avait marqué à l’époque. On me l’a confirmé un peu plus tard qu’il venait souvent sur scène avec un petit coup dans le nez. Miossec, quant à lui, avait le même fléau, il s’est résolu à arrêter, faute de problème de santé, mais cela n’a pas enlevé son talent. L’alcool est un démon, le haschich aussi, mais Baudelaire n’aurait jamais écrit les Fleurs du Mal, sans elle.
Comme toute personne de ma génération, Miossec et les trois autres au-dessus, font partie de la catégorie « musique de vieux. » Attention, il y a musique de vieux et Musique De Vieux. La première catégorie est celle qui a mal vieilli et qui est devenu du kitsch. La deuxième est comme le bon vin, c’est devenu, avec le temps, un nectar auditif. Ces quatre Baudelaire des temps modernes font partie de cette vielle-garde qui n’a pas encore fini de donner de l’émerveillement.
Jeudi soir, il y a eu ce fameux concert, à la Clef de Saint-Germain, de ce Breton au cœur tendre. A part Facture d’Electricité, et Brest, ma connaissance s’arrêtait-là. Ce fut une merveilleuse découverte pour moi. C’était l’exploration d’une terre vierge. J’ai remarqué, que malgré ce corps amaigri, fragile laissé par tant d’années d’alcoolisme, il avait encore de l’énergie à revendre et à faire partager avec le public. Entouré, de jeunes artistes qui avaient entre 25-30 ans (l’âge du padawan), il a su montrer, que, lui, le vieux grognard de la musique, était encore le maître de cérémonies. C’était réglé comme du papier à musique, les chansons s’enchainaient sur un son pur, sans une égratignure.
A un moment, seul sur scène, la guitare acoustique en main, il commence une chanson. Problème technique, le son ne le suit pas, et la guitare n’est pas accordée. Cela ne l’arrête pas, il improvise et tient en haleine les gens. Pour moi, ce fut cette partie du concert, l’apothéose de Miossec. Le Brestois a dompté la scène.
Il s’écoule deux heures dans cette salle, où coule l’univers mélancolique et somptueux de cet homme qui est revenu de loin. Il aurait voulu continuer cette communion avec le public mais il s’en est allé vers d’autres horizons. Quant à moi, je suis rentré plein de nouvelles musiques dans la tête dans la nuit froide et humide de Saint Germain en Laye.

Thomas Monot 

Photo LA CLEF, Emilie Cazin 2015