Un coup de
jeune, un coup de vieux. Un très beau concert vu par Thomas Monot, 25 ans,
padawan rock, et Jérôme Vaillant, 53 ans, yoda roll .
Partie 2/2 Les quatre Baudelaire des
temps modernes
Miossec, Bashung, Higelin, Gainsbourg, vous avez peut-être remarqué mais
ces quatre chanteurs au talent hors normes ont le même démon en eux : l’alcool. Ils
se sont mariés avec lui pour le meilleur et pour le pire, et divorcé pour
certains. Alain Bashung et Serge Gainsbourg, ont créé en 1983, Figure Imposée autour de téquila rapido
et de vodka-pastis. L’album sera leur unique collaboration entre ces deux
grands de la musique. Jacques Higelin, lui, j’ai un souvenir particulier,
c’était en 2006 durant le festival les Méditerranéennes
d’Argelès, je l’avais vu complètement alcoolisé sur scène et cela m’avait
marqué à l’époque. On me l’a confirmé un peu plus tard qu’il venait souvent sur
scène avec un petit coup dans le nez. Miossec, quant à lui, avait le même fléau,
il s’est résolu à arrêter, faute de problème de santé, mais cela n’a pas enlevé
son talent. L’alcool est un démon, le haschich aussi, mais Baudelaire n’aurait
jamais écrit les Fleurs du Mal, sans
elle.
Comme toute personne de ma génération, Miossec et les trois autres
au-dessus, font partie de la catégorie « musique de vieux. »
Attention, il y a musique de vieux et Musique
De Vieux. La première catégorie est celle qui a mal vieilli et qui est
devenu du kitsch. La deuxième est comme le bon vin, c’est devenu, avec le
temps, un nectar auditif. Ces quatre Baudelaire des temps modernes font partie
de cette vielle-garde qui n’a pas encore fini de donner de l’émerveillement.
Jeudi soir, il y a eu ce fameux concert, à la Clef de Saint-Germain, de ce
Breton au cœur tendre. A part Facture
d’Electricité, et Brest, ma
connaissance s’arrêtait-là. Ce fut une merveilleuse découverte pour moi.
C’était l’exploration d’une terre vierge. J’ai remarqué, que malgré ce corps
amaigri, fragile laissé par tant d’années d’alcoolisme, il avait encore de
l’énergie à revendre et à faire partager avec le public. Entouré, de jeunes
artistes qui avaient entre 25-30 ans (l’âge du padawan), il a su montrer, que,
lui, le vieux grognard de la musique, était encore le maître de cérémonies. C’était
réglé comme du papier à musique, les chansons s’enchainaient sur un son pur,
sans une égratignure.
A un moment, seul sur scène, la guitare acoustique en main, il commence une
chanson. Problème technique, le son ne le suit pas, et la guitare n’est pas
accordée. Cela ne l’arrête pas, il improvise et tient en haleine les gens. Pour
moi, ce fut cette partie du concert, l’apothéose de Miossec. Le Brestois a
dompté la scène.
Il s’écoule deux heures dans cette salle, où coule l’univers mélancolique
et somptueux de cet homme qui est revenu de loin. Il aurait voulu continuer
cette communion avec le public mais il s’en est allé vers d’autres horizons.
Quant à moi, je suis rentré plein de nouvelles musiques dans la tête dans la
nuit froide et humide de Saint Germain en Laye.
Thomas Monot
Photo LA CLEF, Emilie Cazin 2015 |