mardi 17 mars 2015

Chinese Army : une domination en marche

Les notes s’élèvent… un air à l’embrun sixties, seventies et à la personnalité doorienne. Tel un écho du passé, la musicalité du titre nous entraîne dans cette spirale temporelle dont l’alchimie envoûtante et réussie ne laisse guère indifférent. Roundelay… l’un des titres phares d’un nouvel EP… celui du talentueux binôme, Chinese Army. Petit écrin renfermant cinq petites pépites mais ô combien magnétiques, Five Easy Pieces est l’une des cuvées millésimées de l’année.
Une première rencontre en juin 2014, lors de la fameuse Release party du label indépendant Mind Riot Music et le clou de ces deux jours de découvertes musicales. Il est de ces groupes qui surprennent précipitant le néophyte vers un monde aux antipodes du sien. La séduction opère. Et même si certaines compositions le conquièrent plus que d’autres, il ne peut s’empêcher d’apprécier. Car, au final, insatiable, il finit par en réclamer davantage. Et Chinese Army ne fait pas exception à la règle.

Le hasard créant parfois de réelles opportunités, la fusion vocale et instrumentale du duo naquit en octobre 2010 à Los Angeles. La Pyo Gallery… l’installation Life on Loop… une bande son, résultante d’un travail commun… Un constat puis une évidence pour Oan Kim et Benoit Perraudeau, deux des membres du groupe indie à l’influence pop rock, Film noir. L’aventure Chinese Army débuta dès lors.
2013 vit la sortie d’un premier EP, Runaways à la tempérance impétueuse et à l’onirisme rock sombre. Fort de cet opus, les concerts s’enchainent estampillant de leur aura la scène française et faisant du label Balades sonores leur cheval de Troie.

La naissance d’une nouvelle création artistique, en cette fin d’année hivernale 2014, vint confirmer l’imposante et indéniable réalité du groupe : le talent. Célébrer l’évènement étant devenu un rituel, le 3ème arrondissement fut choisi et une première Release party organisée. La librairie galerie Ofr, point d’ancrage original, abrita le temps de quelques heures une performance remarquable et remarquée. Et ce soir-là, si quelques doutes subsistaient, Chinese Army les balaya d’un coup m’emportant dans un univers que je fis mien, sans grand espoir de retour. Mais permettez-moi de vous en toucher deux mots.
Imaginez une salle à l’arrière, lieu d’expositions et de concerts… les derniers réglages (synthétiseur, boîte à rythmes, guitare électrique…) Puis, le silence. L’invasion se faisant insidieuse, nul ne prête attention, de prime abord, au cheminement  de cette rythmique vibrante surfant sur la vague du Beat rock et nous plongeant dans une ondée frôlant le Revival.
Pourtant, peu à peu elle s’insinue en nous, entravant la moindre parcelle de notre corps. L’emprisonnement finit par devenir total. Les titres à l’atmosphère déjantée se succèdent s’entremêlant à un microcosme cinématographique alliant à la fois la folle époque des années 20 à celle plus sombre des années 30.
Petit aparté : le duo, lors de ce concert, projette en fond et ce pour chaque morceau, un extrait de films aux références thématiques diverses leur apportant ainsi une identité visuelle propre.  D’ailleurs, pour la petite anecdote, Five Easy Pieces est un clin d’œil au film de Bob Rafelson, sorti cette fois-ci en 1970 et mettant en scène Jack Nicholson

Ouvrant la marche de cette offensive musicale, Roundelay mon transcendant et magistral coup de cœur magnifié par le timbre vocal à la fascinante sensualité d’Oan Kim et les chœurs de Benoit Perraudeau. Chinese Army proclame, par la suite, sa Revolution à l’aide d’une composition à l’effluve underground et à la réminiscence planante.
Une accalmie… et un ancien morceau, prémisse d’une redécouverte… The Weak, the Coward and the Ugly dont la sonorité lancinante et noisy nous ensorcelle tel un sortilège. L’énigmatique et pourtant captivant Runaways à la radiance rock intensifie ce moment.
Quelques minutes plus tard, un vent se lève… celui du renouveau, dévoilant l’étrange Hal Baken à l’empreinte mélodique cadencée, mesurée… subrepticement voilée d’un nuage de volupté.
Puis soudain, surgissant de nulle part, une tornade aux affres mélodiques… Pink Rain vient de pénétrer de plein pied dans la tourmente grâce à une ondulation musicale saccadée et entêtante dont l’obscure ivresse nous rappelle ces vieux films à l’inspiration criminelle.
Telle une cavalcade, un soubresaut compulsif, Western à l’énergie insolente s’impose… dense… intense. Rien ne peut arrêter le sulfureux binôme qui continue son avancée en assénant, pour notre plus grand plaisir, l’hypnotique et psychédélique Gengis Khan.
Pourtant, contre toute attente, une subtile et audacieuse reprise du célèbre Venus in Furs du groupe mythique The Velvet Underground vient finalement stopper l’avancée chinesque du groupe. Et ce, à notre plus grand regret ! Mais nulle inquiétude car depuis, les dates se succèdent. Vous aurez donc, vous aussi, l’opportunité prochaine, qui sait, de les voir en concert et de vous imprégner de l’instant.
Tour à tour savoureux, piquant, inquiétant, aérien, nerveux… Five Easy Pieces, le tout dernier EP de Chinese Army prône la résonance expérimentale des genres et les oscillations affolantes sublimées par des harmonies orguesques, une boite à rythme endiablée et une guitare à l’assonance saturée, dirty et métallique. Un vrai travail d’orfèvre !
Souvenez-vous de ce nom… Chinese Army… une quintessence musicale rétro et pourtant si résolument moderne.
Et si votre agenda vous laisse une soirée de répit le 26 mai 2015… n’hésitez pas une seule seconde et allez faire un tour au Petit Bain dans le 13ème arrondissement de Paris. Chinese Army fera la première partie de l’un des fers de lance du Post- Punk anglais, The Chameleons Vox.
N’oubliez pas ! L’armée chinoise est en marche !

Chantal Goncalves

Lien vers l’EP Five Easy Pieces de Chinese Army :

Liste des films utilisés lors des concerts de Chinese Army :
•      Fritz Lang:
-       Le testament du Dr Mabuse (pink rain) 1933
-       Metropolis (revolution) 1927
-       Les espions (venus in furs) 1928

•      Eisenstein:
Le cuirassé Potemkine (roundelay) 1925

•      Tod Browning :
West of Zanzibar (The weak, the coward and the ugly) 1928

•      Victor Sjostrom:
Le Vent (Runaways) 1928

•      les archives Edison (western)

Lien de la soirée du 26 Mai 2015 :