mardi 17 mars 2015

Une rencontre écossaise avec Fraser Anderson

C’était le dernier jour de février, dans un petit club de jazz que Songazine a rencontré le chanteur folk écossais Fraser Anderson. Il était en représentation sur deux jours, avec son groupe de musiciens. Une première pour lui, qui a l’habitude de jouer en solo. Son album Little Glass Box est sorti l’année dernière sous le label Membran. Cet homme ne cherche pas la célébrité, juste faire de la musique la plus pure possible. Entre deux bières, l’homme barbu et au chapeau nous raconte sa vision de la musique et de son univers.

Rag & Bones

Little Glass Box fut enregistré dans un studio dans le Sud de la France, dans la région du Languedoc : « Le lieu appartient à des amis, d’amis. C’était un bon endroit pour créer, écrire et enregistrer mes chansons. » Son inspiration se trouve dans les personnes qui l’entoure, non dans les lieux où il est présent : «  On me pose, souvent, la question si je suis inspiré par la campagne ou par la ville où j’enregistre. Je réponds que non, ma principale influence c’est l’humain, même si la région était magnifique. Les musiciens et mon entourage comptent beaucoup plus. » Il recherche une musique pure, quand il écrit. 
Il s’abstient de toutes autres influences : «  Mon inspiration ne vient pas du sexe, de la violence, de l’argent. J’essaye d’écrire dans la plus grande pureté. » L’album est une pépite mélodieuse et mature. Son surnom Hairy Angel peut sembler se rapprocher de sa mélodie : « Il vient de la part de la présentatrice télé Zoé Ball. Elle est connue en Angleterre pour être mariée avec Fatboy Slim. C’est une très bonne amie, même si je trouve le terme pas très approprié. »

Il s’est entouré d’un casting de choix pour écrire ses chansons, le contrebassiste Danny Thompson (John Martyn, Nick Drake), le trompettiste Dick Pearce (Ronnie Scott Quintet), le percussionniste Martin Ditchem (Sade) et Max Middleton au piano (Jeff Beck, John Martyn). Il expose son travail avec eux : « Dick, Martin et Max sont des amis des propriétaires du studio. Il m’a apparu évident de jouer avec eux. Ils ont tout de suite imposé une ambiance décontractée, et c’était un réel plaisir. En plus, ils sont venus exprès de Londres pour jouer avec moi dans le Sud. C’est beau !  »

Fraser Anderson, tient de l’admiration pour Danny Thompson. Il ne s’en cache pas d’avoir eu de l’émotion lors de la rencontre : « Je suis un fan de sa musique. J’ai écouté ses albums avec John Martyn et Nick Drake. C’était un de mes rêves de pouvoir un jour le rencontrer et de travailler ensemble. L’opportunité c’est présenté d’elle-même. » Il continue en déclarant une anecdote : « En vérité, j’étais un peu alcoolisé quand j’ai envoyé l’e-mail pour se voir. Je ne pensais pas qu’il répondrait. J’ai été surpris de sa réponse. Le lendemain, il m’a dit ok pour jouer.  
A ce moment, nous nous sommes envoyés plein de mp3. C’est à partir de ces mp3 que nous avons construit le premier morceau de l’album, qui s’intitule Rag & Bones. »  Les sessions étaient intenses et l’émotion était forte : « Il a enregistré certaines rythmiques à Londres, puis au studio. C’était merveilleux et très émotionnel de le voir jouer et d’entendre son instrument. Il ne l’a jamais quitté depuis qu’il a débuté la musique. A un moment, pendant qu’il jouait, j’étais très ému presque à en pleurer. Il m’a vu, il a arrêté de jouer et s’est approché de moi, et il m’a dit « j’ai mieux. » Il me fait un câlin, bien sûr c’était une blague ! »
  
Johnny B Goode

La musique de Fraser Anderson se définit entre de la folk-soul teinté de jazz. Pour l’Ecossais sa musique est hors catégorie : «  C’est difficile de définir ma musique. Je suis juste un chanteur folk écossais. » C’est quoi la folk-music écossaise ? « Je ne pense pas qu’il existe vraiment de la folk écossaise, ou canadienne, américaine, voire française. Tout le monde peut jouer de la musique. La folk est pour moi une musique universelle. C’est comme le fait qu’on catégorise un Ecossais comme un joueur de cornemuse alors que tout le monde peut jouer de la cornemuse, » explique t-il.
Dans sa carrière, Fraser Anderson a rencontré du monde voir du beau. En 2002, il joue les premières parties de Chuck Berry.  Il raconte cette expérience : « Il avait 82 ans. C’était un génie du rock. Il était charmant, un homme sympathique. Nous avons eu très peu de discussion, mais sa présence suffisait à imposer le respect. » Il se remémore une anecdote sur le bluesman : « Je me souviens dans sa loge, il voulait me montrer son fameux pas de danse, le Duckwalk. C’est un vieux monsieur. Il  s’exécute, mais trébuche et se rattrape à moi pour ne pas basculer, » il se met à sourire et à rire : « Je l’avais sauvé, mais je ne suis pas un héros. Il m’a remercié pour ce geste ! Il y avait une petite fierté ! » 
Le bon moment pour écouter sa musique : « Juste avant l’interview, il y a un gars qui m’a dit que ma musique était érotique. Le genre pour une soirée d’amour, avec des bougies et des pétales de roses. Après je ne trouve pas vraiment que c’est de la musique érotique. » Sa musique est parfaite dans l’écoute, pour se détendre, se reposer avec un thé dans son canapé où voire pour se concentrer dans son travail. 
A la fin, Fraser Anderson nous fait un petit classement de ses albums favoris : « Le Blue de Joni Mitchell. Je le trouve spécialement beau. Je mettrai ensuite Solid Air de John Martyn. J’aime le Dark Side of the Moon de Pink Floyd. Enfin, je vais te surprendre, Public Enemy avec l’It Takes a Nation of Millions to Hold Us Back, » et pourquoi ? « Humm on va dire, que avant de faire de la musique folk, j’ai voulu être rappeur, mais ça c’est une autre histoire… »


Thomas Monot