jeudi 2 avril 2015

ALICE LEWIS OU L’HISTOIRE D’UNE ODYSSEE…

Perdue dans l’entre-deux-mondes, j’erre…  subjuguée par cette réalité chimérique et sentimentale aux confins de la dominance fantasmagorique et planante. Les univers musicaux s’entremêlent, se succèdent… Un vent mélodique se lève et soudain je l’entends … douce… claire… suave… une voix dont la transcendance émotionnelle m’ensorcelle. Son chant, à l’instrumental électro pop zesté d’un soupçon de folk, m’invite à le suivre, tour à tour impérieux, inquiétant, mélodieux, impulsif, mélancolique… Musicalité de l’âme, elle murmure à mon oreille, insidieuse, un évènement, une histoire me poussant à la symbiose… empreinte, parfois, d’un onirisme surnaturel latent. Your Dreams Are Mine.
Cette voix, étendard d’une quête initiatique, est celle d’Alice Lewis, dont le nom, curieusement, évoque de manière subtile l’imaginaire intra dimensionnel propre à Charles Lutwidge Dodgson. Fascinée malgré moi, je ne désire qu’une seule chose : en apprendre davantage. 
Une enfance anglaise à la réminiscence synthpop Dépêche Modesque ; des études à la française où l’art et la musique entretiennent finalement une liaison fusionnelle ; une expérience choristique via Sebastien Tellier, à la synergie électronique réelle et une participation à l’opus La grande ouverture, symbiotique du  fameux Sacre du Tympan de Fred Pallem.
Auréolée d’un halo de créativité, le septième art lui ouvre ses ailes offrant à l’artiste aux multiples facettes, maintes opportunités telles une collaboration à la bande originale du film de Luc Jacquet, le Renard et l’enfant ainsi que des compositions pour des publicités made in Lynch.
Faisant fi des frontières artistiques, l’étude de l’opéra chinois et de la cythare la mène jusqu’en Asie. Mais l’éclectisme ne s’arrête pas là : Plus tard, omnichord, harmonium, orgue italien, boite à rythmes vintage et synthé l’accompagneront sur scène.
Une signature chez Naïve, célèbre maison d’artistes et tout se précipite. L’année 2010 voit la sortie d’un premier album à l’essence onirique, picturale et poétique, No One Knows We’re Here. Ian Caple, à la casquette multiple et aux contributions fructueuses et diversifiées (Bashung, Cocoon, Higelin, Tricky, Alexis HK…) en est, entre autre, le co-réalisateur. Hasard ou pas, au tout début de sa carrière, il avait été amené à enregistrer les démos de la chanteuse Kate Bush, l’une des  muses d’Alice Lewis. Cerise sur la galette, Maxime Delpierre (Limousine, Viva And The Diva), Laurent Bardainne (Poni Hoax), Steve Arguelles (Katerine, Delbecq) et le quatuor à cordes des Tindersticks et The Divine Comedy apportent leur touche personnelle au coloré et fantasque No One Knows We’re Here.
Nos rêves, reflet d’un idéal ou simple passerelle vers un monde imaginaire… Alice Lewis, en cette nouvelle année 2015, se les approprie. Seconde œuvre, Your Dreams Are Mine nous emmène dans les méandres du psychisme et de la redécouverte métaphysique. Vacillant entre ombres angoissantes et lumière festive, la jeune artiste nous offre, au travers de douze tout aussi captivants que surprenants titres, la clef de ses songes. Un voyage vers une intemporalité aux décors successifs et changeants, à la recherche harmonique indéniable mêlant sonorités aériennes et entêtantes à l’inspiration 80’s, 90’s.
Le superbe Where Do We Go Now, douloureuse complainte à la noirceur mélancolie magnifiée par une langueur synthétique ouvre le prélude à cette odyssée. Le temps s’affole, hors de contrôle à l’écoute d’Ignorance is bliss, cascade magnétique et planante. Let it fall, au rythme mesuré ralentit une mouvance qui s’électrise de nouveau grâce à l’eighties tempo enlevé de ce Perfect Stranger. Petit intermède acoustique… Interlude 1, empli d’une douce plénitude froide et métallique.
Haunted Reveries, sombre et immatérielle féerie à la résonance traditionnelle asiatique, prolonge cet état de grâce, sublimé par la voix claire et lumineuse d’Alice Lewis. Envoûtant, Nothing I Could Say à l’hypnotique pop électro chavire les âmes les entrainant dans une ronde infernale. Au loin, par delà les eaux, une mélodie à la tonalité féminine se fait entendre, blottie au creux d’une Bellbuoy. Un souhait… et l’attente. Le clapotis des vagues… une chorale enchanteresse, le son d’un tambour, d’un grelot, la nature… un instant fugace de communion lors d’une traversée… Crossing The River. Céleste, The Drought souffle un air musical, violons et guitares y apposant leurs principaux accords. L’obscurité tragique et inquiétante d’Interlude 2 voile, un court instant, ce périple atténué par les notes pianistiques de cette somptueuse, triste et éthérée comptine servant de postlude à cette fabuleuse épopée… The Statue.
Bonus, The Perfect Stranger, à l’indéniable potentialité nous est décliné en deux remixes distincts avec pour unique mais indispensable gageure : enflammer les pistes.
A la première écoute de l’album, l’adhésion peut ou non être  immédiate car à mille lieux, parfois, de la sphère qui nous est propre. Toutefois, impossible de résister à ce timbre vocal qui, tel une sirène, nous pousse à l’immersion…encore et encore… et au final, nous nous retrouvons à fredonner dans les couloirs, ces airs qui au départ… Bref ! Le charme opère !
Your Dreams Are Mine sonne le renouveau et ce, malgré une thématique de l’imaginaire déjà présente sur No One Knows We’re Here
Pourtant, une nouvelle direction artistique s’est imposée : un nouveau label et deux musiciens, Maxime Delpierre (Limousine…) et Frédéric Soulard (Poni Hoax, Vitalic) à la production et aux arrangements… Résultat : un opus à la vive dominance doté d’une rythmique tantôt douce et désavouée, tantôt nostalgique et enlevée mais dont la ténébreuse sensualité en fait une pièce d’exception.
Afin d’y prêter plus attentivement une oreille, voir les deux, sachez que le 31 mars 2015, Your Dreams are Mine sort en CD. Et histoire de profiter au maximum, la Release Party aura lieu le 16 avril 2015 au Point Ephémère. Notez bien la date, histoire de ne pas oublier.


Chantal Goncalves. 

Lien vers quelques extraits :