Perdue dans l’entre-deux-mondes, j’erre…
subjuguée par cette réalité chimérique et sentimentale aux confins de la
dominance fantasmagorique et planante.
Les univers musicaux s’entremêlent, se succèdent… Un vent mélodique se lève et
soudain je l’entends … douce… claire… suave… une voix dont la transcendance
émotionnelle m’ensorcelle. Son chant, à l’instrumental électro pop zesté d’un soupçon de folk, m’invite à le suivre, tour à tour impérieux, inquiétant,
mélodieux, impulsif, mélancolique… Musicalité de l’âme, elle murmure à mon
oreille, insidieuse, un évènement, une histoire me poussant à la symbiose… empreinte, parfois, d’un onirisme surnaturel latent. Your Dreams Are Mine.
Cette voix, étendard d’une quête
initiatique, est celle d’Alice Lewis,
dont le nom, curieusement, évoque de manière subtile l’imaginaire intra
dimensionnel propre à Charles Lutwidge
Dodgson. Fascinée malgré moi, je ne désire qu’une seule chose : en
apprendre davantage.
Une enfance anglaise à la réminiscence
synthpop Dépêche Modesque ; des
études à la française où l’art et la musique entretiennent finalement une
liaison fusionnelle ; une expérience choristique
via Sebastien Tellier, à la
synergie électronique réelle et une participation à l’opus La grande ouverture, symbiotique du
fameux Sacre du Tympan de Fred Pallem.
Auréolée d’un halo de créativité, le
septième art lui ouvre ses ailes offrant à l’artiste aux multiples facettes,
maintes opportunités telles une collaboration à la bande originale du film de Luc Jacquet, le Renard et l’enfant ainsi que des compositions pour des publicités made in Lynch.
Faisant fi des frontières artistiques,
l’étude de l’opéra chinois et de la cythare la mène jusqu’en Asie. Mais
l’éclectisme ne s’arrête pas là : Plus tard, omnichord, harmonium, orgue
italien, boite à rythmes vintage et synthé l’accompagneront sur scène.
Une signature chez Naïve, célèbre
maison d’artistes et tout se précipite. L’année 2010 voit la sortie d’un
premier album à l’essence onirique, picturale et poétique, No One Knows We’re Here. Ian Caple, à la casquette multiple et
aux contributions fructueuses et diversifiées (Bashung, Cocoon, Higelin, Tricky, Alexis HK…) en est, entre autre,
le co-réalisateur. Hasard ou pas, au tout début de sa carrière, il avait été amené à enregistrer les démos de la
chanteuse Kate Bush, l’une des muses d’Alice
Lewis. Cerise sur la galette, Maxime
Delpierre (Limousine, Viva And The Diva),
Laurent Bardainne (Poni Hoax), Steve Arguelles (Katerine,
Delbecq) et le quatuor à cordes des Tindersticks
et The Divine Comedy apportent leur
touche personnelle au coloré et fantasque No
One Knows We’re Here.
Nos rêves, reflet d’un idéal ou simple
passerelle vers un monde imaginaire… Alice
Lewis, en cette nouvelle année 2015, se les
approprie. Seconde œuvre, Your Dreams Are Mine nous emmène dans les méandres du psychisme et
de la redécouverte métaphysique. Vacillant entre ombres angoissantes et lumière
festive, la jeune artiste nous offre, au travers de douze tout aussi captivants
que surprenants titres, la clef de ses songes. Un voyage vers une intemporalité
aux décors successifs et changeants, à la recherche harmonique indéniable
mêlant sonorités aériennes et entêtantes à l’inspiration 80’s, 90’s.
Le superbe Where Do We Go Now, douloureuse
complainte à la noirceur mélancolie magnifiée par une langueur synthétique
ouvre le prélude à cette odyssée. Le temps s’affole, hors de contrôle à
l’écoute d’Ignorance is bliss,
cascade magnétique et planante. Let it
fall, au rythme mesuré ralentit une mouvance qui s’électrise de nouveau grâce
à l’eighties tempo enlevé de ce Perfect Stranger. Petit intermède acoustique… Interlude
1, empli d’une douce plénitude froide et métallique.
Haunted Reveries, sombre et immatérielle féerie à la
résonance traditionnelle asiatique, prolonge cet état de grâce, sublimé par la
voix claire et lumineuse d’Alice Lewis. Envoûtant, Nothing I Could Say à l’hypnotique pop électro chavire les âmes les entrainant dans une ronde
infernale. Au loin, par delà les eaux, une mélodie à la tonalité féminine se
fait entendre, blottie au creux d’une Bellbuoy.
Un souhait… et l’attente. Le clapotis des vagues… une chorale enchanteresse, le
son d’un tambour, d’un grelot, la nature… un instant fugace de communion lors
d’une traversée… Crossing The River.
Céleste, The Drought souffle un air musical, violons et guitares y apposant
leurs principaux accords. L’obscurité tragique et inquiétante d’Interlude 2 voile, un court instant, ce
périple atténué par les notes pianistiques de cette somptueuse, triste et
éthérée comptine servant de postlude à cette fabuleuse épopée… The Statue.
Bonus, The Perfect Stranger, à l’indéniable potentialité nous est décliné en
deux remixes distincts avec pour unique mais indispensable gageure :
enflammer les pistes.
A la première écoute de l’album,
l’adhésion peut ou non être immédiate
car à mille lieux, parfois, de la sphère qui nous est propre. Toutefois, impossible
de résister à ce timbre vocal qui, tel une sirène, nous pousse à
l’immersion…encore et encore… et au final, nous nous retrouvons à fredonner dans
les couloirs, ces airs qui au départ… Bref ! Le charme opère !
Your Dreams Are Mine sonne le renouveau et ce, malgré une
thématique de l’imaginaire déjà présente sur No One Knows We’re Here
Pourtant, une nouvelle direction
artistique s’est imposée : un nouveau label et deux musiciens, Maxime Delpierre (Limousine…) et Frédéric
Soulard (Poni Hoax, Vitalic) à la
production et aux arrangements… Résultat : un opus à la vive dominance
doté d’une rythmique tantôt douce et désavouée, tantôt nostalgique et enlevée
mais dont la ténébreuse sensualité en fait une pièce d’exception.
Afin d’y prêter plus attentivement une
oreille, voir les deux, sachez que le 31
mars 2015, Your Dreams are Mine
sort en CD. Et histoire de profiter au maximum, la Release Party aura lieu le 16
avril 2015 au Point Ephémère.
Notez bien la date, histoire de ne pas oublier.
Chantal Goncalves.
Lien vers quelques extraits :