lundi 20 avril 2015

Des Jeunes Gens Mödernes et de la jeunesse éternelle

J’ai eu 20 ans en 1981.
Mitterrand Président. J’ai voté pour lui à chaque fois.
On était beaux, on avait les yeux brillants, la peau lisse et le cœur inflammable comme de l’essence au plus haut degré d’octane.
Côté musique, en France, il se passait quelque chose de beau et de fort pour une portion d’entre nous qui avaient été hallucinés par le choc punk puis la vague noire post punk. Enfin, on avait des bons groupes (dicunt ceux qui étaient nés autour de 1961, bien sûr !). Enfin, des modèles made in hexagone ! Enfin des amis rennais, nancéens, parisiens ! Qu’ils chantent en français ou anglais n’importait guère, ils tenaient le drapeau avec les dents et la morgue des résistants.
Ils étaient beaux, ils avaient les yeux brillants, la peau lisse et enflammèrent nos cœurs avec des brûlots flamboyants d’étincelles et des disques multicolores.
C’est ce qui fut appelé  notre belle« saga des Jeunes Gens Mödernes », avec le « ö » parce que chaque jeunesse a son « moderne » à elle, le passé faisant chier et le futur étant remis à lundi matin au plus tard, même avec une bonne aspirine pour faire oublier le dimanche de merde. Une collection d’artistes partout en France qui ont tenté de faire au choix, du rock, ou de la pop marrante, ou une sorte d’électro décalée ou un genre de post punk  avec une âme toute fraîche ou toute noire. Ils avaient des boîtes à rythmes bien tatapoum, des Roland et des Boss, des synthés mono ou polyphoniques, des cachets trop maigres et des minibus trop pleins et surtout beaucoup de cran et d’assurance. Les yeux braqués sur la perfide Albion et la belle Amérique, certainement, mais une vraie « French touch » avant l’heure !
Leur pain quotidien, leur Everest : « le do it yourself »  (en français  la démerde) était la norme, quand « faire une maquette » ou « un studio multipiste » étaient des épopées qu’à ce jour on règle en un coup de poignet sur un machin tout plat.
De ce mouvement sonique, ultra créatif et méchamment sonore sont sortis des milliers de choses obscures ou lumineuses et je ne vous citerai que quelques uns d’entre uns (que j’aime) : Marquis de Sade et la galaxie Philippe Pascal, Daho, les Rita Mitsouko, les fabuleux Kas Product, les vénéneux Taxigirl et notre saint Daniel Darc, sans oublier les Stinky Toys et je n’oublie pas Marie et les Garçons. Et qui se rappelle de Jad Wio, Complot Bronswick, Artefact, International Sin, Les Tokow Boys ? 
Et Edith Nylon ? Et Martin Dupont !?
Forcément, évoquer ces groupes me flanque la chair de poule, je revois les blousons et les longs manteaux noirs, l’attitude et le regard, je repense à la fièvre des soirées et des concerts. « Le temps des copains et de l’aventure, quand le temps va et vient au début des 80’s » pour paraphraser Dutronc (respect, Jacques)…  Tout cela fut un état d’esprit, un putain de beau look et ce fut « brutal » comme le dit Daho dans une interview. On a aussi employé l’étiquette « frenchy but chic » pour qualifier ces jeunes gens entreprenants et intrépides, car oui, il fallait l’être au pays du Top 50 et des chansons françaises à bon gros texte…pour soirées tonton-tata sans même une allusion à The Cure ! (gosh).
Il faut donc remercier du fond du cœur Jean-François Sanz et Farid Lozès pour nous  avoir sorti un superbe documentaire mettant en lumière cette aventure éphémère dans le temps, immortelle dans nos cœurs. Ils méritent d’être décorés !
Titré simplement  « Des jeunes gens mödernes », il fait la part belle aux interviews des acteurs de tout ce beau cirque, avec des extraits musicaux. Il est projeté (tout comme une tournée de groupe rock) de ville en ville, et ne le ratez pas, ainsi que les compilations magiques qui en seront tirées.
Comme on dit depuis les années 2010 c’est un « must see » et pas que par les bougres nés vers 1961, mais par tous ceux qui aiment ressentir l’instant fugace et l’adrénaline d’un moment précieux, d’une époque précise. 
C’était fichtrement beau, romantique, un peu naïf, foutraque et peu durable : beauté du geste, splendeur de l’instant.
Nos cœurs inflammables ne se sont jamais éteints, le virus est en nous, on ne pourra jamais en être guéris. On était cyniques mais plein d’humour, habillés de noir mais le cœur tendre. On le restera.
Au moindre claquement de snare drum de TR808, au plus petit riff glacial nimbé d’écho « large hall » ou au refrain daté et hanté, on repartira comme en 1979-1983, les yeux toujours brillants mais la peau un peu moins lisse. 
Jeunes Gens 4ever, 
Mödernes pour toujours.


Jérôme «sur une bande magnétique » V.