Le Démon s'ennuyait ferme.
Assis sur son trône de fer, il avait le menton posé sur le poing,
l'air dépité et soupirait bruyamment. Les humains avaient excédé les bornes en
matière de méchanceté et d'abjection, il se sentait presque obsolète, old
school, voire inutile ! Le capitalisme s'emballait, massacrant civilisations et
principes, les islamistes battaient des records de cruauté, les dictatures
utilisaient si bien l'outil informatique que les oppositions étaient écrasées
sans coup férir. Depuis 1933 de toute façon, ils savaient tout faire seuls, et
n’importe comment.
En 2015 les peuples serraient eux mêmes le nœud coulant leur
enserrant la gorge ! Leurs élites se goinfraient de profit, détruisant tout
avec efficacité.
Pollution des sols, extermination de la vie dans les océans, les
cons, et mort lente des espèces animales à commencer par les indispensables abeilles
: Méphistophélès regardait passer les nouvelles du front, se sentant petit
joueur, petit bras, petit faiseur de Mal industriel.
Bref, il ne servait plus à grand chose, tant les sujets d'hier avaient dépassé le Maître.
Bref, il ne servait plus à grand chose, tant les sujets d'hier avaient dépassé le Maître.
Dans la salle principale de son
Palais, le silence régnait, lourd, et la chaleur habituelle semblait presque
supportable. C'était dire si l'ambiance manquait de piquant. Pas un hurlement,
peu de gros mots, un petit rot pour faire poli...
Soudain, un diablotin autrichien fit son apparition et de sa
propre initiative, posa un double CD sur la platine de la chaîne hi fi.
Une musique "électro
swing" s'éleva alors.
Le Démon commença par sourire faiblement, se rappelant que lui
même avait forgé cette musique pour exciter et corrompre la jeunesse nord
américaine puis celle du monde entier, au début du XXème siècle. On s’était
bien amusés…les anciens esclaves avaient du talent.
Ce temps passé lui parut bien innocent. Il tapait distraitement du
pied, imité par une momie et un centaure noir aux yeux brillants. « Demon
Dance » électrisa l’air.
"Clap your hands" disaient les voix samplées du disque,
reprenant aussi des vieux standards comme "Don't mean a thing". Les
morceaux se suivaient, plein d'énergie. Cuivres chauds, rythmes samplés et
effrenés. Le thermomètre monta d’un cran.
D’un bond un trio de diablesses fort sexy se levèrent et se mirent
à esquisser un pas de danse, imitées par quelques goules et un bouc en rut à 6
pattes. Un zombie éméché ralluma quelques braises en jetant un de ses bras dans
les flammes de la grande cheminée et un vampire écarlate se mit à cracher
quelques braises en l'air, gagné par le regain d'enthousiasme naissant.
Une succube et deux trolls se lancèrent dans un pas de danse approximatif mais rapide, pris dans le "Berlin shuffle".
Une succube et deux trolls se lancèrent dans un pas de danse approximatif mais rapide, pris dans le "Berlin shuffle".
Bientôt, toute la Cour se trémoussa en cadence, chacun y allant de
son solo de claquettes et de sabots fourchus. L'éclairage des grands soirs
avait été rallumé on ne sait comment et des stroboscopes infernaux
martyrisèrent toute pupille (mais ici on n'en trouvait que de formes carrées,
alors...).
Des femmes sans tête apportèrent de pleines bassines d'ultra met-amphétamine fluorescente. Sniff, snaff, snuff dans les narines percées. Des tonneaux de vin fort furent roulés, percés et bus avec ardeur. Le deuxième CD fut passé et des chansons plus douces, mais sensuelles et subtiles furent entendues par l’assemblée des suppôts de Satan, maintenant tous debout, excités au plus haut point.
D'abjectes ondulations en copulations surréelles, de déhanchements troubles en attouchements furieux, la cour du Démon avait retrouvé la fougue d'un grand soir de fête de fin du monde souterrain, le volume poussé à fond, les objets brisés avec soin et le blasphème à son paroxysme.
Des femmes sans tête apportèrent de pleines bassines d'ultra met-amphétamine fluorescente. Sniff, snaff, snuff dans les narines percées. Des tonneaux de vin fort furent roulés, percés et bus avec ardeur. Le deuxième CD fut passé et des chansons plus douces, mais sensuelles et subtiles furent entendues par l’assemblée des suppôts de Satan, maintenant tous debout, excités au plus haut point.
D'abjectes ondulations en copulations surréelles, de déhanchements troubles en attouchements furieux, la cour du Démon avait retrouvé la fougue d'un grand soir de fête de fin du monde souterrain, le volume poussé à fond, les objets brisés avec soin et le blasphème à son paroxysme.
La nuit éternelle des Enfers avait repris un peu de noirceur
enthousiaste. La Danse fut encore l'invitée d’une ripaille abominable et
interminable. La Mort passa une tête (de Mort, bien sûr) et rit de toutes ses
dents ébréchées, balançant sa faux en cadence.
Belzébuth, hilare et ivre mort, attrapa le petit diablotin
autrichien par la corne et lui demanda :
- Mais, par Moi, quel est cet artiste dont la musique nous redonne un peu de cœur au ventre ?
- Mais, par Moi, quel est cet artiste dont la musique nous redonne un peu de cœur au ventre ?
- Il s'agit du PAROV STELAR
BAND, votre Malificence, créé par un compatriote à moi, qui a eu le
bon goût d'intituler son double CD "The Demon Diaries" paru chez Etage
Noir, à sortir en Mai 2015...
- Qu'on me le convoque sur le champ ! Ou plutôt quand est-il prévu
qu'il arrive chez nous ? Ce n’est pas un type à aller chez ces blancs becs du
Paradis’ zou-nours !! LOOOL !
- Pas avant 2074, il est programmé centenaire, le bougre, ô Satan
bien détesté.
- Soit, mais alors, DJ, remettez-nous
son disque, qu'on fasse venir un régiment de diablesses à queue trifide, encore
plus de vin rouge et tous les ancêtres de ce Marcus Fuereder, car tel est son nom et qu'il soit gravé dans notre
bon Hell of Fame, ha ha ha ha il y a même un corbeau sur la pochette,
j'adoooore !
Et l'orgie continua 666 nuits sur
ce tempo rapide, le temps que le CD finisse par fondre. Ce qui se passa ensuite
n’est pas encore écrit.
Jérôme" Devil inside" V.