samedi 2 mai 2015

Piano Glass, piano classe

Je suis un béotien absolu en matière de musique classique aussi bien que contemporaine. A part Vivaldi et ses musiques d'attentes téléphoniques interminables ou Mozart, cet autrichien qui a fait de la publicité pour Air France, Beethoven et son hymne pour les mous de Bruxelles ou le générique du "Masque et la Plume". Jetez-moi des pierres en si bémol pour piano et orchestre, je ne connais rien en ce domaine.
Mes humbles connaissances démarrent avec les premiers bluesmen...donc point de perruque poudrée, ni de queue de pie et de chefs d'orchestre tumultueux ; zéro pointé de ce côté et je perdrais le million si la question finale à la télé portait sur Chopin ou le Deutsche Gramophon expliqué aux enfants. Pour mézigues, Brahms, à part le cri du cerf, je vois mal à quoi cela ressemble. Riez, gens cultivés de la symphonie et du menuet, un analphabète  des trois accords vous contemple.
Cependant, je reçois un disque à écouter qui pourrait s'apparenter (un peu) à ce genre musical, PIANO GLASS, œuvres de Philip Glass interprétées par Bruce Brubaker. Challenge, défi pour le rocker et son cœur de larsen, assurément un registre inhabituel !
Le premier étant un immense compositeur de musiques allant du minimalisme et du répétitif à l'opéra en passant par les B.O. majestueuses et le second un grand pianiste américain très admiré et talentueux qui joue du classique et du contemporain (voir mon préambule, on ne s’est jamais croisés !). 
Le Festival de la Roque d'Anthéron est le cadre typique de ses apparitions dans l'hexagone  et la probabilité de m'y croiser avoisine celle d'un tenancier de bar à eaux de voir rentrer Lemmy dans son établissement offrant une tournée générale de Badoit à ses roadies.
Malgré tout ceci, j'ai écouté avec plaisir ce CD, et plusieurs fois de suite.
Ici, du piano et uniquement du piano. Des motifs répétés, des notes qui reviennent, une couleur musicale très cohérente. Un jeu qui provoque émotion et nostalgie, parce que la beauté s’en échappe comme une fumée enivrante, un parfum capiteux.
Soudain, je comprends pourquoi l'écoute de ces plages sonores me procure une sensation forte et durable. En termes d'images c'est évident : ici, s’étend virtuellement une mer infinie de notes cristallines que je contemple, face à l’horizon si vaste. Elle est grise ou verte mais changeante et vivante, à la fois toujours identique et toujours renouvelée. Des vagues régulières la parcourent et reviennent sous les doigts du pianiste, patient et virtuose.  Des motifs apparaissent en boucles entêtantes qui montent et descendent. Il convient de se laisser bercer par les dentelles subtiles d’accords et arpèges de Philip Glass.
La marée est basse, il faut rentrer au port et en tirer les bonnes conclusions.
Amis de la musique amplifiée et lecteurs de Songazine, voici un CD recommandé pour vous égarer hors des sentiers habituels, prendre de la hauteur et se sentir un peu plus intelligent, ou humain au choix, à la fin d’un long et beau périple sonore.
Sur les flots de l’océan des 88 touches navigue Piano Glass, navire amiral d’une flotte étrangère mais néanmoins amie : le drapeau de l’Art y flotte haut et fort.


Jérôme « Steinway » V.